Dans ce film, je retrouve les principaux éléments que je déteste au théâtre: tout d'abord, cette sorte de fausse émulsion autour de l'expression forcée de soi. Lorsqu'on commence à jeter des "AH!" et des "OOOOoooh" et des phrases creuses (car délibérément mal expectorées), nues, en plein milieu d'un silence génant entre plusieurs comédiens, moi ça me glace le sang.
Cette recherche de l'expression absolue est pour moi très souvent grotesque, non pas parce qu'elle est génante mais parce que la volonté de montrer qu'on s'exprime étouffe l'expression même. Alors certes, c'est utilisé pour définir l'état d'esprit de ces jeunes fougueux révolutionnaires, mais c'est tout de même trop pour moi.
Il y a ensuite cette distance horrrriiiiiiible avec le texte, qui donne aux personnages non pas un aspect attachant, mais une attitude bête, niaise, quelque chose de sectaire qui, bien que ce soit voulu, m'arrache une plainte sourde durant les trois quarts du film.
Un aspect intéressant, volontairement très pénible est cette constante sollicitation de deux sens différents du spectateur: sans cesse, on écoute en lisant, on lit en écoutant, on écoute deux dialogues en même tempps, voire une voix off en plus... Le cinéaste joue également sur une certaine forme de frustration en cassant le rythme d'apparition des textes à l'écran, en intercalant des débuts de violons aussitôt tûs, des petits bruits de cuivres et de percussions donnant un aspect "Arte" au film. Et cette scène où l'on voit un étudiant effacer petit à petit des noms d'écrivains, de philosophes avec une éponge: impossible de prévoir quel nom va être effacé, et il est déjà effacé qu'on n'a pas pu saisir le texte. C'est assez brillant, mais noyé dans ces faces livides, ces silences pesants et fatiguants, ça ne m'a finalement que sorti de ma torpeur pour un temps.
En revanche, deux scènes m'ont beaucoup plu dans ce film: la première apparition de Jean-Pierre Léaud, expliquant ce qu'est le théâtre chinois, et la scène du train avec Francis Jeanson. Cette dernière scène exerce d'ailleurs une telle rupture avec le film qu'il légitimiserait presque tout le reste: c'est à ce moment seulement que j'ai commencé à envisager la mise en scène si spéciale de ce groupe d'étudiants comme une exception, et comme une réelle volonté de la part de Godard d'illustrer une ambiance de groupe, en apposant "des images fortes sur des idées vagues". En fait, La Chinoise ce n'est pas juste une mise en scène bleue, jaune et rouge tout le long: cette mise en scène est caractéristique de ce groupe d'étudiants, et la scène du train est une petite douche froide qui exerce un retour à la réalité qui se voudrait amer, mais qui est, je trouve plutôt doux.
Bref, un peu tendu à mon goût, trop de rouge peint à la chaux, de textes insoutenables, et aussi trop de références pour moi qui n'ai même pas lu Brecht. Je pense que beaucoup de gens doivent apprécier ce film, mais soyons honnêtes, je n'ai pas passé un excellent moment.