La chinoise est un film-clé dans l'oeuvre de Godard et les circonstances en sont bien connues aujourd'hui grâce au livre d'Anne Wiazemsky, sa compagne de l'époque, Une année studieuse. Le film se cantonne pratiquement à des discussions entre 5 jeunes gens dans un appartement bourgeois. Critique de l'impérialisme américain (avec nombreuses évocations du Vietnam), de l'immobilisme français (haro sur le pouvoir gaulliste mais aussi sur les partis de gauche, PCF compris), de la trahison soviétique au regard des valeurs marxo-léninistes. Reste la Chine de Mao, celle de la Révolution culturelle, dont on ne savait pas encore ou ne voulait pas reconnaître les exactions. Mais le film fait aussi sa propre auto-critique dans une conversation entre Anne Wiazemsky et un ancien activiste durant la guerre d'Algérie qui la place devant ses propres contradictions et ses dangereuses dérives vers la violence. La chinoise manque hélas d'humour et Godard s'amuse un peu trop avec ses collages devenus sa marque de fabrique. Le film reste cependant très puissant et prémonitoire des événements de 68. Et témoin de l'évolution d'un cinéaste-philosophe-sociologue aussi souvent horripilant que parfois touché par une certaine grâce romantique et poétique. Et pratiquant la dialectique comme un sport de combat.