Le sujet est moins la fin d'Hitler que l'effondrement d'un régime criminel, et de ses dignitaires repliés dans le quartier gouvernemental d'une capitale bombardée puis envahie, où les derniers vieillards et adolescents sont envoyés à au combat sous la menace de nervis qui exécutent les "traitres" tentant de survivre à cette chute inéluctable.
Le film fait ainsi se croiser et se heurter les fanatiques qui veulent que cette chute engloutisse aussi l'Allemagne et son peuple pas à la hauteur de la vision nazie, ceux qui ne peuvent pas concevoir de rompre leur serment de fidélité au Führer qui les condamne à une défaite sans issue, ceux qui mettent leur honneur à faire leur métier de chef combattant (Mohnke), ceux qui pensent avoir encore un avenir à condition de ne pas tomber aux mains des Russes et cherchent à fuir ce bunker condamné, ceux qui savent la fin du régime venue et la division Steiner évanouie mais craignent toujours de susciter la colère et la vengeance d'Hitler, et aussi le petit personnel, plantons qui continuent à claquer des talons et secrétaires apeurées qui n'ont plus grand chose à taper.
Une faiblesse majeure du film est l'absence de toute présentation de ses personnages, de leur parcours et de leur rôle dans l'organisation nazie et ses crimes. Le contexte est tout autant éludé: l'Allemagne est prise en tenaille par les Russes à l'Est et les Anglo-Américains à l'Ouest. Cela ne permet pas toujours au spectateur de comprendre les enjeux des uns et des autres. En particulier pour les moins fanatisés, conscients qu'ils vont devoir rendre des comptes, celui de fuir tant qu'il est encore temps vers l'Ouest, voire hors d'Europe. Par exemple, le Reichsarzt Grawitz, qu'Hitler oblige à rester, a supervisé les programmes d'expérimentation dans les camps d'extermination. D'autre part, des personnages pourtant importants dans l'organisation nazie ne font que de la figuration, comme le Reichsleiter Martin Bormann, quasiment muet pendant tout le film.
Cela crée aussi, et c'est plus grave, de fausses impressions chez le spectateur. Certains personnages apparaissent sympathiques, comme le dévoué médecin Schenck, le valeureux général Mohnke, voire Speer, qui n'exécute pas les ordres de destruction des infrastructures allemandes. Mais c'est oublier que tous les occupants du bunker sont des nazis de la première heure, et ont contribué aux crimes du régime. Le "bon médecin" Schenck est un SS qui a utilisé des prisonniers des camps de concentration pour faire des études sur la nutrition. Mohnke est un SS de la première heure, impliqué dans des crimes de guerre en 1940 et 1944. L'opportuniste et jouisseur Fegelein est un SS responsable du massacre de juifs biélorusses. Quant à l'ambigu Speer, il n'est pas seulement l'architecte de la maquette du Berlin fantasmé par Hitler, mais son ministre de l'armement, qui a littéralement au travail tué des dizaines de milliers de prisonniers des camps nazis. Ce ne sont donc pas naïfs, comme affirme l'être la secrétaire Traudl Jung.
La place de cette dernière dans le film, qu'elle introduit et conclut, apparaît ainsi fort ambigüe: sa naïveté affirmée et la honte ensuite ressentie en découvrant le destin tragique de Sophie Scholl, ne peuvent concerner aucun des occupants du bunker. Pourquoi alors en faire une sorte de figure tutélaire du film et de ce dernier carré des proches et complices de Hitler? Quant à l'avenir de l'Allemagne, repose-t-il seulement sur cette jeune femme qui a été au cœur de la machinerie mais n'aurait rien compris de son projet totalitaire et génocidaire, et sur ce jeune garçon qui finit par se libérer de l'emprise mortifère des derniers nazis?
De façon plus anecdotique, certaines scènes semblent peu vraisemblables, comme l'appartement paisible dans lequel le Reichsarzt Grawitz se suicide en tuant sa femme et ses deux filles. Berlin est bombardé, en ruines, la population se terre, Postdam a été la cible d'une attaque aérienne massive par la Royal Air Force, et pourtant le domicile de Grawitz à Babelberg est préservé du bruit et de la fureur extérieure. D'autres sont assez convenues, comme la fête organisée par Eva Braun dans la chancellerie abandonnée. Cette dernière est d'ailleurs présentée comme une écervelée aux préoccupations futiles, ce choix est-il conforme à la réalité?
Les principaux acteurs jouent bien. Ganz interprète un Führer déchu tantôt illuminé, tantôt conscient que c'est la fin. Le couple Goebbels est glaçant, même si la scène du meurtre des enfants tire un peu en longueur. La caméra filme au ras du sol, les combats sont sans pathos ni héroïsme, la peur et les tueurs nazis rôdent partout.
C'est un film à voir et sur lequel réfléchir après l'avoir vu.