Je suis allé voir ce film parce que j’avais bien aimé Le déclin de l’empire américain, sa suite Les invasions barbares et aussi Jésus de Montréal. Cette Chute de l’empire américain est présentée comme le troisième volet d’un triptyque alors qu’il n’en est rien, le troisième volet étant L’âge des ténèbres (2007). Celui-ci aurait du s’intituler Le triomphe de l’argent, mais a pris son titre définitif au dernier moment. Peut être Denys Arcand ou la production ont-ils voulu le rattacher à ses précédents succès mondiaux en espérant que celui-ci en soit un également ? A moins que ce ne soit parce qu’il traite du mal qui ronge notre civilisation américanisée : l’importance démesurée qu’on accorde à l’argent. Si tu en as, tu es quelqu’un, si tu n’en as pas, tu n’es rien. Cet argent qui pousse certains à tuer ou à frauder le fisc via de savants et tortueux montages financiers et autres blanchiments improbables pour en avoir plus. En avoir ou pas, telle est la question.
Pierre Paul Daoust, jeune docteur en philosophie, n’est pas attiré par l’argent et préfère se contenter d’un modeste emploi de chauffeur livreur plutôt que de dépenser toute son énergie à gagner un max d’oseille pour beurrer ses épinards. Il est une sorte de candide dans un monde capitaliste obnubilé par l’argent et passe son temps libre à s’occuper des pauvres sans abris par conviction éthique.
Mais quand l’occasion se présente de ramasser deux gros sacs remplis de billets de banque, à l’issue d’un hold up qui tourne mal et dont il est le seul témoin, il n’hésite pas longtemps et planque l’argent en lieu sûr, au risque de se faire prendre par la police ou pire par les bandits qui recherchent le butin.
S’en suit alors un mélange de comédie romantique/ policière, sous forme de conte sarcastique dénonçant le capitalisme financier, où en contrepoint, une petite bande de marginaux altruistes, mais pas si bisounours qu’ils en ont l’air vont utiliser le système pour essayer d’échapper à la police et aux méchants malfrats.
La mise en scène n’est pas virtuose et même parfois paresseuse, mais certaines séquences comme la scène sexuelle entre Pierre Paul et Apsasie, ou la scène de torture, démontrent de bien belle manière que suggérer est souvent plus fort que montrer.
Les dialogues sont incisifs et drôles, avec bien sûr quelques savoureuses expressions locales et quelques Cââlice et Tabarnak bien sentis !
Les deux amoureux (l’émotif Alexandre Landry et la superbe Maripier Morin) sont très chou et c’est aussi un plaisir de retrouver Rémy Girard et Pierre Curzi, déjà vus sans le Déclin et les Invasions barbares.
La réussite du réalisateur québécois est de traiter son sujet sans lourdeur et avec humour. On peut regretter un coté trop didactique par moments et des personnages un peu stéréotypés, mais les clichés de l’escort girl forcément superficielle et égoïste et du repris de justice ex taulard supposé par nature non fréquentable sont malicieusement battus en brèche. Ce sont en fait les avocats d’affaires et les banquiers ayant pignon sur rue qui sont les plus malhonnêtes.
Dans ce contexte, on en vient à penser que dans cette société où les notables sont rarement inquiétés par la justice, voler les voleurs pour que les plus démunis en profitent n’est pas si immoral que ça. Et tant pis si ça fait niaiser les niaiseux, tabarnak !