Le plaisir d'un récit rondement mené et riche en ruptures de ton. C'est cela avant tout La chute de l'empire américain qui, malgré son titre, n'a rien d'une suite du mythique Le déclin de l'empire américain et des Invasions barbares. Denys Arcand aurait d'ailleurs pu reprendre le titre d'un de ses (savoureux) premiers films ; La maudite galette. L'argent et la quête obsessionnelle des hommes pour en avoir toujours plus, tel est le thème limpide de cette chronique sociale qui se déguise parfois en polar nerveux voire en comédie romantique, soit un cocktail de genres comme l'ont souvent été les longs-métrages du cinéaste québécois comme les méconnus et brillants Jésus de Montréal et De l'amour et des restes humains. Ne pas oublier également que Arcand a réalisé quelques documentaires marquants en ces jeunes années et qu'il reste le dernier des metteurs en scène de sa province de la "vieille" école, reconnue pour son ironie et don humour décapant (les noms de Gilles Carle et de Claude Jutra, par exemple, ne disent sans doute rien à beaucoup de spectateurs de La chute de l'empire américain). Le film d'Arcand utilise à son profit le cynisme de ses personnages et de son époque avec un effet boomerang, d'une exquise causticité, en égouttant des stéréotypes et des archétypes (les flics, l'homme d'affaires, l'escort, l'employée de banque, les délinquants ...) comme des serpillères pour en tirer les vers d'une comédie ô combien humaine. Mais fondamentalement, au-delà de son aspect moraliste et goguenard, constantes du cinéma d'Arcand, c'est l'architecture narrative qui séduit ainsi que sa manière satirique, volontairement candide. In fine, la seule valeur qui trouve grâce aux yeux du réalisateur dans le monde d'aujourd'hui, c'est l'amour. Il est vrai que la plastique affolante de la sublime Maripier Morin aurait de quoi faire oublier à beaucoup la couleur de l'argent.