Somalie,1993.Le pays est en proie depuis 78 à une guerre civile impliquant tribus et clans rivaux.Le président Siad Barre a été renversé en 91 et le général Aïdid,principal seigneur de guerre régional,s'est emparé de la capitale,Mogadiscio,et des centres de pouvoir.L'ONU décide d'intervenir en 92 afin de sécuriser la distribution d'aide alimentaire à la population,sans y parvenir car les milices d'Aïdid s'emparent des vivres afin d'affamer leurs ennemis.Les Etats-Unis s'en mêlent alors et envoient des troupes pour soutenir les casques bleus,lesquels sont placés sous leur commandement.C'est l'opération "Restore Hope",ce qui signifie "Restaurer l'espoir".Tu parles!On se trouve alors dans un statu quo,Aïdid contrôlant le quartier de Bakara,au centre de Mogadiscio,et les ricains détenant l'aéroport près de la ville.En octobre 93,les yankees lancent un raid à Bakara afin de capturer les principaux lieutenants d'Aïdid qui se réunissent là.Ils y arrivent mais le repli se passe mal,les somaliens coinçant les amerloques et déclenchant une sanglante bataille.Ridley Scott livre ici un film de guerre d'un réalisme saisissant,déroulant des scènes ultra-violentes dignes du débarquement dans "Il faut sauver le soldat Ryan",mais sur plus de deux heures et quasiment non-stop.Il faut dire que le pool de production est particulièrement musclé,réunissant,outre Scott lui-même,Jerry Bruckheimer,Simon West et Branko Lustig.Techniquement,c'est la folie.Le gars Ridley nous envoie direct en immersion au coeur de combats sauvages décrits sans fard.Sa maîtrise est parfaite et il réussit à rendre claire une situation de départ très confuse,ce qu'on doit principalement à l'excellent scénario de Ken Nolan,et la situation sur le terrain,qui n'est pas moins embrouillée.Il joue à merveille de la grammaire cinématographique,alternant plans aériens et plans au sol dans les rues de la ville,dans les bâtiments,sur les toits,dans les hélicos,dans les Humvees,passant des plans larges aux plans serrés,de la caméra fixe à la caméra portée,et il couvre tous les angles.Le sentiment d'urgence et de vérité est total,avec un son d'enfer fort bien utilisé.Les pales des hélicos vrombissent et soulèvent des tonnes de poussière,les détonations assourdissantes surgissent de partout,les balles et les roquettes sifflent et détruisent hommes,bâtiments et véhicules,la fumée des pneus qui brûlent aveugle les combattants,les hélicos se crashent dans un fracas épouvantable.La photo très travaillée de Slawomir Idziak sublime tout ça en variant des teintes qui vont,selon la localisation et la lumière des scènes, de la clarté maximum jusqu'à la désaturation proche du sépia,tandis que la musique tonitruante d'Hans Zimmer,additionnée de morceaux très bien choisis,électrise l'ensemble.Les effets spéciaux ne sont pas en reste et Scott ne nous épargne aucun effet gore,décrivant par le menu blessures atroces et mutilations bien dégueus.Eh oui,la guerre c'est pas un pique-nique,c'est fait de massacres horribles au milieu desquels on ne peut que tuer ou être tué.Et puis il y a du fond,comme toujours chez Scott.Surprenant de voir un film anglo-saxon narrant un épisode peu glorieux de l'histoire de l'armée américaine lors duquel les boys,nettement mieux armés et équipés que leurs ennemis, se sont fait botter le cul par une bande d'africains pouilleux.On comprend d'ailleurs pourquoi lors du déroulé des évènements.L'Etat-Major US a manifestement sous-estimé les capacités de réaction des somaliens et s'est retrouvé empêtré dans un piège face à des techniques de guerilla qu'il appréhendait mal.Nombreux,mobiles,rapides,déterminés et quand même munis de lance-roquettes dont ils savaient très bien se servir,les miliciens ont mis en déroute des amerlos pris au dépourvu.On voit par exemple la différence de comportement entre les adversaires.Les ricains ont déclenché l'opération sans informer les forces de l'ONU,ce qui a retardé le soutien de celles-ci quand on a eu besoin de leurs renforts.De plus,leur cohésion est minée par la rivalité interne entre les Rangers et la Delta Force,deux services devant collaborer.La façon "civilisée" de concevoir les combats du côté occidental joue son rôle également.Ainsi,les troupes US vont perdre un temps précieux en ramassant systématiquement tous leurs morts et blessés et en les ramenant au camp,Ce qui ne fera qu'occasionner d'autres pertes en mettant en danger les sauveteurs,tandis que leurs antagonistes ne s'en préoccupaient nullement et continuaient de se déplacer rapidement pour harceler leurs ennemis.Finalement,les derniers combattants américains devront s'enfuir en courant sous les huées et les quolibets de la population locale,laissant derrière eux un champ de ruines et un véritable carnage.19 yankees au tapis,deux hélicos écrasés,les "Black Hawk" du titre,et en face un millier de somaliens tués,dont pas mal de victimes collatérales,femmes et enfants compris.Sans parler des nombreux blessés,souvent gravement atteints,certains jusqu'à la mutilation.Tout ça pour pas grand-chose,car les USA quitteront le pays en 94,et les casques bleus en 95.Et la guerre civile perdure aujourd'hui en Somalie.Naturellement,c'était fait au nom du fameux droit d'ingérence humanitaire si cher à l'Amérique et aux Nations-Unies,qui adorent se mêler de tout,surtout de ce qui ne les concerne pas,et s'apparente à du néo-colonialisme.Car comme il y a de bons et de mauvais chasseurs,il y a un bon et un mauvais colonialisme.Le colonialisme d'autrefois,c'était très mal.On envahissait un pays,on asservissait son peuple,on exploitait ses ressources.En contrepartie,on construisait des routes,des écoles,des hôpitaux,et le niveau de vie des autochtones s'élevait,même s'il restait bien inférieur à celui des colons.C'était du mauvais colonialisme.Le néo-colonialisme,c'est bien.On "intervient" dans un pays en principe souverain,on y patauge,on finit par massacrer ceux qui s'opposent à "l'intervention",et on se barre en abandonnant la contrée dans un état pire que celui découvert en arrivant,les destructions opérées étant destinées à remplir les poches de quelques multinationales ,sans doute pas étrangères aux évènements,qui se pointeront ensuite pour reconstruire.Mais c'est un bon colonialisme,car il est justifié par de nobles sentiments.Le film n'élude pas en outre la haine que vouent aux américains en particulier,aux occidentaux par extension et aux blancs plus généralement des africains écoeurés par la manière dont ils sont traités et par leurs conditions de vie dramatiques.C'est ce qui a permis à Aïdid de fédérer contre les ricains les diverses factions somaliennes et de remporter cette bataille.Puis les gars ont tranquillement recommencé à se friter entre eux,le général finissant par mourir en 96 lors de combats fratricides.Ironiquement,ce que l'Amérique n'est pas parvenue à faire,les somaliens l'ont eux-mêmes réalisé.Le film n'est toutefois pas parfait,car il est parfois ralenti,surtout vers la fin,par des scènes de pathos typiquement hollywoodiennes.On fait dans l'émotion,on prononce des paroles sentencieuses,on sort les photos de famille,les mourants demandent aux copains de rapporter à leurs proches leurs dernières paroles,et toutes ces choses bouleversifiantes dont raffole le cinéma US.La distribution est une véritable tuerie,si on peut employer ce terme en un tel contexte.Tous font le boulot efficacement,qu'il s'agisse de Josh Hartnett,Ewan McGregor,Tom Sizemore,Hugh Dancy,Ioan Gruffudd,Jason Isaacs,Sam Shepard,Nikolaj Coster-Waldau ou les jeunes acteurs peu connus à l'époque que sont Tom Hardy,dont c'était le premier film,et Orlando Bloom.Mais ceux qui sortent du lot sont Eric Bana et William Fichtner,époustouflants en bêtes de guerre.Notons que "Black Hawk down" n'a pas été tourné en Somalie,toujours instable,mais au Maroc.

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le 28 sept. 2019

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