Pendant tout son lycée, ma sœur avait le poster de La Chute du faucon noir dans sa chambre — il faut dire que Josh Hartnett avait la cote. Je me suis donc toujours demandé à quoi ressemblait le film et c'est avec une forme de curiosité que j'ai plongé dans la plus longue vidéo de propagande de l'armée américaine qu'il m'ait été donné de voir. Ce n'est quelque part pas étonnant que ce soit le film préféré de George W Bush ou que les producteurs aient ré-orchestré sa sortie après le 11 septembre pour générer de la faveur patriotique et donc de l'engagement (bien que le film été tourné avant). Car le film est une incarnation totale de la valeur centrale de l'armée étasunienne : on ne laisse personne derrière.
La Chute du faucon noir est l'histoire d'un raid catastrophique que Ridley Scott héroïse avec toutes les artifices cinématographiques à sa disposition. Nous sommes en pleine guerre civile somalienne en 93, L'ONU et les casques Bleus sont dépeints comme assez débordés dans leur tentative d'aider les humanitaires et l'armée américaine débarque pour une mission de pacification éclair qui s'embourbe. Elle lance un raid décisif qui tourne au cauchemar lorsqu’un premier hélico, les fameux faucons noirs (Black Hawk en VO), s'écrase dans Mogadiscio. Quitter la ville après avoir foutu un grand coup de pied dans la fourmilière devient une débandade, qui résulte dans la mort de 19 soldats tous bien listés au générique et entre 500 et 2000 somaliens inconnus ; je ne cherche pas ici à porter un jugement sur qui aurait eu tort et qui aurait eu raison, je pointe simplement la différence de traitement du film sur la valeur des vies humaines.
Le film peut compter sur son montage nerveux et sa série d'acteurs engagés mais est plombé par des scènes d'action pas très lisibles et une photographie volontairement brûlée franchement dégueulasse. Mais surtout le réalisateur ne va nous épargner aucun cliché pour iconiser certains et diaboliser d'autres. On peut revenir très justement sur la photographie du film qui déshumanise complètement les Somaliens, réduit à une foule furieuse dont on ne distingue que très peu les visages, se jetant au-devant des balles telle une marée sans conscience. La représentation des casques Bleus est également bien partisane, plus présenter comme des pleutres hésitant que comme une organisation qui doit peser tous les tenants géopolitiques de la moindre action.
Bref on aurait pu espérer au moins que le fond —auquel on n'est pas forcément obligé d'adhérer — soit compensé par au moins un bon film d'action, mais ça ne fonctionne pas non plus. Finalement le poster dans la chambre de ma sœur ne cachez pas grand-chose d'intéressant. Alors oui on peut lire le film comme rôle attend un véritable échec de l'armée américaine, une forme de mise en perspective de leur stratégie offensive. Mais le traitement héroïsant de Ridley Scott en fait plutôt au contraire une œuvre exaltant le patriotisme et les valeurs fondatrice de l'armée.