Le jour se lève sur le palais royal, et avec lui les courtisanes, telles les danseuses d’un corps de ballet. Le palais s’éveille selon une chorégraphie réglée au détail près. Au milieu d’un palais d’or, chacun accomplit sa tâche, chacun joue son rôle du dernier des serviteurs jusqu’aux membres de la famille royale. Dans une procession rituelle, les serviteurs énoncent les heures du jour, et répandent des messages aux accents de méthode Coué :
Le vent, la pluie, la continuité. La cour prospère. Le jour se lève. Il est de 3h à 5h du matin.
Bâtir le pays, installer la famille, tout peut se faire. Le soleil est levé. 7H à 9h.
Dans ce monde coloré, feutré, scintillant, tout est harmonie. Apparemment… Car un poison est à l’œuvre, celui de la haine, de la colère et de la frustration. Poison qui atteint tous les membres de cette famille impériale déchirée par de lourds secrets, des amours impossibles et un mésamour mortel.
Ce monde artificiel, ces vies qui se jouent loin du quotidien des gens ordinaires sont le théâtre d’un combat, celui du soleil avec la lune. Mais qui peut empêcher le lever du soleil ? Qui peut l’empêcher de brûler ceux qu’il darde de ses rayons ? La lune en a-t-elle le pouvoir ? Une armée vivante de chrysanthèmes peut-elle le vaincre ?
A ce combat mené jusqu’à la mort, participent les pantins de ces souverains pathétiques. Qu’ils soient vêtus d’or rutilant ou de noir ténébreux, leur combat est semblable. Tous, ils sont prêts à mourir pour une cause creuse, sans substance, sans valeur. Dans ce palais rutilant va se dérouler le drame final. Le sang humain va dénoncer l’hypocrisie de son or. Mais pour peu de temps… Très vite, l’apparence reprendra ses droits grâce à une machinerie humaine bien huilée.
Si La Cité interdite ne se soucie pas de la fidélité historique, le résultat visuel et émotionnel est à la hauteur de son infidélité. Zhāng Yì-Móu signe un film dont les images somptueuses, la musique lyrique, les décors et les costumes nous transportent dans un autre monde. Et que dire des acteurs qui sont tout simplement parfaits. Que dire également des scènes de combat qui, si elles sont peu nombreuses, sont d’une force incroyable. Qu’il s’agisse des assassins à la solde du roi, habillés de noir, et leurs poignards falciformes, s’abattant tels des spectres, dans un silence terrifiant, sur leurs victimes ; ou la bataille finale voyant s’affronter les soldats noirs du roi et les soldats d’or de la reine. C’est juste du grand spectacle !