Il s'agit d'une adaptation du roman éponyme de Dashiell Hammet, l'un des plus grands écrivains américains du XXe siècle. L'adaptation prend plusieurs libertés avec le roman, notamment en faisant disparaître certains personnages secondaires et, surtout, en concentrant le film sur la relation ambiguë entre Ed Beaumont (Ned et nom Ed dans le roman) et Janet Henry. Il s'agit de mettre en valeur la célébrité naissante de Veronica Lake et Alan Ladd, « le couple le plus chaud d'Hollywood », suite au succès de Tueur à gages réalisé juste avant par Franck Tuttle. Plusieurs modifications du roman ont pour but de multiplier leurs apparitions. On peut néanmoins considérer que l'esprit de Dashiell Hammet est assez bien respecté dans le film, notamment son aspect subversif puisqu'il n'y a pas vraiment de personnages positifs dans un monde où l'intrigue, la magouille politique, le chantage et la violence règnent en maîtres. Seul le « happy end » trahit vraiment l'esprit du roman dans lequel la fin est beaucoup plus ambiguë. Par ailleurs, le film est étonnamment violent pour l'époque et comporte des scènes et des sous-entendus sexuels assez inattendus. La scène d'adultère devant les yeux mêmes du mari cocufié est assez ahurissante dans un film américain d'une époque où règne encore une censure terrible concernant les films. De même, les rapports entre Ed Beaumont et le gros bras ahuri, magnifiquement interprété par William Bendix, sont clairement teintés d'homosexualité et de sadomasochisme, ce qui est rendu encore plus manifeste par le contraste entre la virilité de la brute épaisse et la finesse un peu féminine d'Alan Ladd, sans parler du vocabulaire toujours très affectueux utilisé par la brute quand elle menace, ou tabasse, son adversaire. Stuart Heisler n'est sans doute pas un grand cinéaste, et son adaptation est loin, par exemple, du chef-d'œuvre de John Huston adaptant Le faucon maltais du même auteur, mais c'est un bon artisan et son film comporte quelques beaux moments, notamment celui où Veronica Lake susurre de façon provocante cette délicieuse réplique : « For some obscure reason, I think you're very nice ». Pour les nancéiens le film est disponible dans une bonne copie à la médiathèque de la Manufacture.