Au début des années 2000, la mode des remakes de films d'horreur classiques, comme The Texas Chainsaw Massacre en 2003 ou The Amityville Horror en 2005, a relancé l'intérêt pour les franchises d'épouvante des décennies passées. Ce regain de popularité pour les ré-interprétations modernes a inspiré Wes Craven à revisiter son propre classique The Hills have Eyes. Voyant le succès commercial de ces remakes et comprenant le potentiel d'une mise à jour plus viscérale et adaptée aux nouvelles attentes du public, Wes Craven a décidé de produire un remake de son film de 1977.

C'est grâce à Marianne Maddalena, la collaboratrice de longue date de Wes Craven, que le duo français Alexandre Aja et Grégory Levasseur a été choisi pour diriger écrire et mettre en scène le remake. Après avoir vu leur film Haute Tension, un thriller horrifique acclamé pour sa brutalité et sa maîtrise de la tension, Maddalena a été convaincue que leur style visuel intense et leur approche implacable de l'horreur correspondaient parfaitement à l'esprit du projet. Elle a donc proposé ce duo à Wes Craven, qui a rapidement adhéré à l'idée, voyant en eux les cinéastes idéaux pour revisiter son classique avec une nouvelle perspective plus viscérale et moderne.

Pour être honnête, on m’aurait proposé de faire le remake de Massacre à la tronçonneuse, de Délivrance ou des Chiens de paille, j’aurais refusé, j’aurais dit aux producteurs : Désolé les gars, j’adore ces films mais je peux pas. Pourquoi refaire ces films ? Ça ne sert à rien, ils sont déjà très bien comme ils sont. Par contre, La colline a des yeux, si j’ai accepté de le refaire, c’est d’abord parce que le concept de base est très fort et ensuite parce que le film original me fait vraiment marrer. Et je ne dis pas ça par mépris vis-à-vis du film, je l’aime vraiment parce que c’est plein de maladresses.

C’est donc en 2006 que Alexandre Aja (et Grégory Levasseur) va proposer sa version de The Hills have Eyes au public américain.

Alexandre Aja choisit de ne plus faire référence à la guerre du Vietnam, comme l'avait fait Wes Craven dans l'original de 1977, mais de centrer son film sur les conséquences des tests nucléaires menés par les États-Unis dans les déserts du sud-ouest. Aja modernise ainsi le contexte historique et le rend plus pertinent pour une nouvelle génération de spectateurs en utilisant un thème qui fait écho aux préoccupations environnementales et aux effets des armes de destruction massive.

Historiquement, les États-Unis ont mené une série de tests nucléaires dans le désert du Nevada à partir de 1945, après la Seconde Guerre Mondiale, et jusqu'en 1992. La période la plus intense de ces essais nucléaires a eu lieu dans les années 1950 et 1960, principalement au Nevada Test Site, situé à environ 105km au nord-ouest de Las Vegas. Ces tests visaient à développer et à perfectionner les armes nucléaires, mais ils ont également eu des conséquences désastreuses sur l'environnement et la santé des populations locales, connues sous le nom de downwinders, exposées aux radiations des retombées radioactives.

En intégrant cet élément dans son film, Alexandre Aja transforme les cannibales de Wes Craven en victimes de ces tests nucléaires, des êtres déformés par les radiations et marginalisés par la société. Ce changement de contexte souligne la responsabilité du gouvernement américain dans la création de monstres, non pas par la guerre, mais par la contamination de son propre territoire, renforçant ainsi le sous-texte politique et social de l'horreur.

Alexandre Aja pousse la violence à son paroxysme en montrant les meurtres et les mutilations de manière graphique, avec des effets spéciaux réalistes et un usage intensif de sang et de viscères. L'horreur n'est plus seulement suggérée, mais frontalement exposée, ce qui crée une atmosphère de tension permanente. Les scènes de violence brutale, de mutilations et de corps déformés par les radiations sont visuellement choquantes et plongent le spectateur dans une expérience horrifique intense et ininterrompue.

L'une des scènes les plus horribles et perturbantes du film est celle de la caravane, où les mutants attaquent la famille. Cette séquence inclut deux viols particulièrement brutal et déshumanisant. La scène est difficile à regarder, non seulement pour sa violence explicite, mais aussi pour le sentiment d’impuissance et de terreur qu’elle instille. Alexandre Aja ne recule devant rien pour intensifier le malaise, transformant cette attaque en un moment de pur chaos où la sécurité de la famille est totalement anéantie, renforçant ainsi l'horreur psychologique et physique de la situation.

Ted Levine, Kathleen Quinlan, Dan Byrd et Emilie de Ravin incarnent la famille Carter composée de personnages typiques de la classe moyenne américaine en voyage à travers le désert. Le père de famille incarne un ancien policier au caractère fort mais bienveillant. Sa femme est plus douce et maternelle. Leurs enfants, d’abord Brenda est une adolescente rebelle, tandis que Bobby est plus introverti.

Aaron Stanford et Vinessa Shaw (le troisième enfant de la famille Carter) est le couple Bukowski. Doug est un homme calme et réfléchi, très loin de l'image du héros traditionnel. Il commence le film comme un homme pacifiste et légèrement en décalage avec le mode de vie de son beau-père Big Bob. Lynn est la fille aînée des Carter et la mère protectrice d'un bébé. Ensemble, leur relation et la survie de leur enfant deviennent l’un des moteurs émotionnels du film, surtout lorsque Doug se transforme en un survivant impitoyable après l'attaque brutale de la famille.

Tout comme dans l'original de 1977, Doug subit une transformation radicale. Au départ, il est présenté comme un personnage soumis à sa femme, en décalage avec les valeurs plus masculines et autoritaires de son beau-père Big Bob, et peu débrouillard dans des situations de survie. De plus, en tant que démocrate qui rejette les armes à feu, il symbolise un idéal de pacifisme qui semble inadapté face à la brutalité extrême à laquelle il est confronté. Mais lorsque sa famille est attaquée par les mutants, Doug n'a d'autre choix que d'abandonner ses principes pour survivre. Il se voit contraint de se transformer en une version plus sauvage et violente de lui-même, allant jusqu'à se mettre au même niveau que les mutants qu'il combat. Ce passage d'homme ordinaire à un survivant impitoyable montre comment des circonstances extrêmes peuvent détruire les valeurs morales et transformer n’importe qui en prédateur.

C’est précisément dans la zone d’essai nucléaire, une fausse petite ville abandonnée utilisée autrefois pour tester les effets des explosions atomiques, que Doug subit sa transformation la plus intense. Cette zone, qui est une nouveauté par rapport à l'original de 1977, devient le décor principal de la seconde partie du film. Doug y pénètre pour sauver son bébé, et c'est là qu'il est confronté directement aux mutants. Cette ville fantôme, conçue pour simuler la vie américaine avec ses mannequins en plastique et ses maisons abandonnées, devient le théâtre de sa métamorphose.

Entouré de vestiges de la civilisation et des effets dévastateurs des tests nucléaires, Doug est obligé de renoncer à son ancien moi et de se plonger dans une violence brute. Armé et déterminé, il chasse les mutants avec une rage presque animale, contrastant avec l'homme doux et pacifiste du début. Ce lieu accentue la thématique de la déshumanisation, car Doug, pour protéger son enfant, finit par embrasser la même sauvagerie que les monstres qu'il combat, dans un environnement qui symbolise déjà la destruction de l’humanité.

Le film met en place un véritable affrontement symbolique entre les valeurs républicaines et démocrates, en créant un dialogue implicite entre ces deux idéologies. Le beau-père Big Bob est un républicain typique, fervent défenseur des armes à feu et des valeurs patriotiques, tandis que Doug incarne l'archétype du démocrate, opposé à l'utilisation des armes et plus enclin à la diplomatie et à la non-violence. Cette dichotomie est renforcée par les tensions familiales entre Doug et Big Bob, où Doug est constamment jugé pour son manque de virilité et de capacité à protéger sa famille. Ce conflit prend une tournure plus symbolique avec la mort de Big Bob. Son corps est retrouvé avec un drapeau américain planté dans le crâne, un geste ironique qui semble dénoncer le patriotisme aveugle et la violence associée à certaines valeurs républicaines. Doug va se servir de ce même drapeau pour tuer un mutant, transformant ainsi cet emblème de la fierté nationale en une arme brutale. Cela représente un renversement des valeurs : Doug, qui rejetait les armes et la violence, finit par utiliser un symbole patriotique pour adopter la même brutalité que les mutants.

De plus, un autre mutant chante l’hymne américain, soulignant que ces créatures, déformées par les essais nucléaires des États-Unis, sont le produit direct de la politique américaine. Ils incarnent les conséquences monstrueuses des actions du gouvernement, ajoutant une couche de critique sociale. Ainsi, le film met en lumière l'ironie tragique d’un patriotisme et d'une violence qui finissent par se retourner contre ceux qui les incarnent, tout en exposant les dérives des politiques nucléaires américaines et leur impact sur l’humanité.

Il est rare qu’un remake surpasse l’original, mais dans le cas de The Hills have Eyes, Alexandre Aja a réussi à créer un film encore plus percutant et efficace que celui de Wes Craven en 1977. Bien qu'innovant à l'époque, l’original souffre de certaines limitations techniques et de rythme qui, aujourd'hui, paraissent datées. Le remake réussit donc à étoffer l’histoire et à la rendre plus pertinente pour un public moderne, tout en restant fidèle à l'esprit brutal et sauvage de l'original.

The Hills have Eyes se conclut sur une note de survie brutale où la violence devient la seule réponse à une menace inhumaine. Le film montre comment des individus ordinaires, comme Doug, sont forcés de renoncer à leurs principes moraux pour affronter une horreur implacable. En abordant des thèmes comme la déshumanisation, la survie dans un monde abandonné par la civilisation, et les conséquences monstrueuses des actions humaines (notamment les essais nucléaires), le film offre une critique sociale acerbe des États-Unis. Ce remake intensifie l'horreur et la violence pour montrer l'effondrement total de la morale dans un monde où seules les lois de la survie comptent.

StevenBen
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Steven Benard

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