Voir en quasi back-to-back le Blair Witch version 2016 et le remake de La Colline a des Yeux vu par Alexandre Aja permet de réaliser certaines choses et de comprendre l'évolution précipitée du genre horrifique qu'ils représentent chacun à leur manière. Et tout cela, en se disant que seulement dix ans ont passé. Misère, je deviens vieux...


On se plaignait déjà, en 2006, de la vague de remakes dont Hollywood se plaisait à inonder les salles. De ce point de vue, rien n'a vraiment changé.


Mais il est inquiétant de réaliser aujourd'hui, en 2016, que le genre a finalement emprunté, comme la caravane de la famille martyrisée de La Colline a des Yeux, ce qui apparaît comme une voie sans issue, un cul de sac créatif et réflexif. Car de nos jours, un film comme Blair Witch 2016, visiblement, ne s'envisage qu'en termes d'effets plus ou moins choc, de jump scares quasi systématiquement désamorcés et de ride plat parfois digne d'un train fantôme de fête foraine cheap.


Loin de moi l'idée de dire que ce constat est général. Certains films bâtis sur ce modèle du spectacle à tout prix, quand il est exécuté par un réalisateur concerné, fonctionnent plutôt bien. Mais dans le cas Blair Witch, le plus triste, c'était la faillite vertigineuse dans l'absence gênante de frissons et l'incapacité totale à installer une quelconque tension, une quelconque atmosphère, le tout dans un film habité par un vide sidéral et l'absence de vision ou de discours de celui qui était derrière la caméra.


Or, dix ans avant ce pâle Blair Witch remâché, La Colline a des Yeux, tout remake de film horrifique était-il, se révélait investi et témoignait, peut être pas d'une vision d'un cinéaste illustre ou d'une thèse universitaire, mais au moins d'un point de vue, d'une envie d'exprimer quelque chose, d'une réflexion qui venait d'un esprit derrière le combo.


Le spectacle offert par Alexandre Aja est généreux en effets gores, malsain et multiplie les visions traumatiques d'agressions sauvages et de situations dérangeantes qu'il serait impossible d'envisager aujourd'hui. L'horreur qui gicle à l'écran met mal à l'aise. Mais loin de se contenter d'aligner paresseusement les scènes de son film pour en faire une sorte de visite guidée d'une maison hantée où dans chaque pièce serait immédiatement visibles les ressorts rouillés de son mécanisme horrifique, Aja installe une atmosphère oppressante, une tension, ce que beaucoup de films actuels font mal (les pires) ou délaissent carrément. La Colline a des Yeux, elle, imbrique son action et ses effets dans un discours qui sert et démultiplie son climat poisseux et lourd déjà écrasé par la chaleur et les horizons sans fin de son décor désertique.


Alexandre Aja dresse dès les premières minutes de son effort le portrait d'une Amérique en conflit avec elle-même en opposant deux familles finalement identiques, qui se regardent en chiens de faïence des deux côtés de la barrière économique et de l'intégration. Les exclus vivotent, se terrent et se cachent. L'Amérique les a bannis, contaminés et outcastés. Le nucléaire et ses essais ont fait le reste. La fière bannière étoilée produit au bout du compte, à nouveau, ses propres monstres érigés en ennemis de l'intérieur.


Quant à l'aspect politique, républicains ou démocrates, peu importe. Ils seront renvoyés dos à dos dans la souffrance. L'ancienne génération mourra en premier, celle qui a grandi dans la fascination des images noir et blanc des premiers champignons atomiques. Le "héros", qui rechigne à toucher à une arme, sera quant à lui très longtemps castré, malmené, incapable de protéger sa femme et son bébé, comme il est incapable de réparer la climatisation de la caravane de sa belle-famille, de fervents républicains dont les prières n'appelleront, pour leur malheur, des anges gardiens difformes et sanguinaires.


Il sera longtemps incapable de donner la mort, de se venger, malgré l'horreur et la violence de la dislocation de sa famille. Le chien, Beast, nom prédestiné, dans son instinct de survie et de protection, s'en chargera donc. Le "héros" de cette histoire est en dessous de tout. Il faudra donc attendre la dernière partie du film, où il évolue dans une ville fantôme qui souligne l'artificialité de l'American Way of Life, où le visage des mannequins qui la peuplent est figé dans un rictus éternel, pour le voir prendre les armes. Si certains esprits chagrin diront sans doute que ce troisième acte marque un retour aux conventions de l'héroïsme made in Hollywood, Alexandre Aja filme l'évolution de son personnage incarné par un Aaron Stanford post X-Men 2 de manière extrêmement âpre et viscérale, identique à ce qui pouvait être porté à l'écran dans les années 70.


Ironique, puissant dans son imagerie et généreux dans son spectacle, La Colline a des Yeux transcende sa nature de simple remake d'un classique de l'horreur pour en faire un des nouveaux fleurons enragés du genre, même dix années après sa sortie.


Behind_the_Mask, quand les chiens aboient, la caravane trépasse.

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le 24 sept. 2016

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