« Ok, killer, go get that bastards ! » DOUG WOOD

Sawney Bean, de son vrai nom Alexander Bean, serait né dans les années 1500, dans la région de l'East Lothian, en Écosse. Selon la légende, il était issu d'une famille pauvre et négligente. Peu intéressé par un travail honnête, il finit par s'enfuir avec une femme aussi malveillante que lui, souvent identifiée comme Agnes Douglas, qu’il rencontra à un moment indéterminé.

Sawney et Agnes s’installèrent dans une grotte isolée, située sur la côte sud-ouest de l’Écosse, près de Bennane Head, dans l'Ayrshire. Cette grotte, accessible uniquement à marée basse, leur offrait une cachette idéale. C’est là que la légende prend une tournure sinistre. Durant les vingt-cinq années suivantes, le couple aurait engendré une famille nombreuse composée de 14 enfants et 32 petits-enfants. L'inceste aurait été courant dans cette communauté, contribuant à l'émergence d'une véritable tribu cannibale. Pour survivre, Sawney et sa famille commencèrent à attaquer et à tuer les voyageurs passant à proximité de leur repaire. Ils volaient non seulement leurs biens, mais les dépeçaient aussi pour les manger. Les restes des victimes étaient conservés ou jetés à la mer.

Des centaines de disparitions inexpliquées se produisirent dans la région au fil des ans, semant la terreur parmi la population locale. Des membres de familles entières disparaissaient sans laisser de traces. Les os et restes humains qui étaient parfois rejetés par la mer augmentaient la panique dans les communautés. Pendant longtemps, les habitants pensèrent que des bêtes sauvages ou des brigands isolés étaient responsables, sans jamais imaginer l'existence d'un clan cannibale aussi organisé.

Le règne de terreur de la famille Bean aurait pris fin lorsqu'une de leurs attaques échoua. Selon la légende, ils s'en prirent à un couple qui rentrait chez lui après une foire locale. Ils attaquèrent l'homme et la femme, mais le mari réussit à se défendre assez longtemps pour que d'autres voyageurs arrivent à leur secours. Bien que la femme fut tuée, le mari survécut et parvint à alerter les autorités locales. Le roi d'Écosse de l'époque envoya alors un groupe de 400 hommes, accompagné de chiens pisteurs, pour capturer la famille Bean. Les soldats trouvèrent finalement la grotte de Bennane Head, découvrant un spectacle horrifiant à l'intérieur : des restes humains en décomposition, des membres et organes conservés, ainsi que des objets volés aux victimes. Toute la famille Bean fut capturée sans résistance.

Les récits divergent quant à la manière exacte dont la famille fut punie, mais l’histoire la plus courante décrit une exécution extrêmement brutale. Les hommes de la famille Bean furent mutilés (leurs bras et jambes tranchés) et laissés à mourir lentement d'hémorragies sous les yeux des femmes, qui furent ensuite brûlées vives. Il n’y eut aucun procès, la gravité de leurs crimes justifiant, selon les récits, une exécution sommaire.

La véracité de cette histoire est hautement contestée. Aucun document officiel contemporain ne mentionne l’existence de la famille Bean ou d'une telle série de meurtres. Beaucoup considèrent cette légende comme un récit de propagande ou une histoire exagérée pour effrayer les populations, similaire aux contes de brigands et de hors-la-loi que l'on retrouve dans de nombreuses cultures. Certains historiens pensent que l’histoire pourrait avoir été inventée pour diaboliser les Écossais dans un contexte de tensions entre l’Angleterre et l’Écosse, surtout après l'union des deux couronnes. Une autre théorie est que l'histoire fut propagée par des conteurs populaires dans les siècles suivants, notamment au XVII et XVIII siècles, époque où les récits de crimes horribles étaient prisés par les publics.

L’histoire de la famille Bean a laissé une empreinte durable dans la culture populaire. Elle a inspiré de nombreux contes d’horreur, et certains voient en elle une des inspirations pour des films d’horreur comme Wes Craven pour son The Hills have Eyes.

En 1972, Wes Craven avait déjà écrit et réalisé The Last House on the Left, un film d'horreur d'une extrême violence qui préfigure déjà l'intérêt du cinéaste pour le morbide. Ce premier essai, très remarqué, lui permet de mettre en scène, cinq ans plus tard en 1977, ce The Hills have Eyes s’inspirant donc de la famille Bean et de documentaires sur la guerre du Vietnam.

Parce que la guerre du Vietnam a été l'une des premières guerres à être massivement couverte par les médias, avec des images souvent brutales montrées à la télévision américaine. Cette surabondance d'images violentes a influencé des réalisateurs comme Wes Craven. Il s'est nourri de ces reportages pour donner à son film une atmosphère de réalisme brut, même dans un cadre fictif.

Le fait que les médias aient montré au grand public les horreurs de la guerre a contribué à la montée de la méfiance et de la désillusion à l'égard des institutions américaines, et Wes Craven a incorporé cette méfiance dans son film, où les figures de l'autorité traditionnelle échouent à protéger les innocents, laissant une famille lutter seule contre une menace sauvage.

La famille Carter est au centre de l'intrigue. Russ Grieve, Virginia Vincent, Susan Lanier et Robert Houston représentent la famille américaine typique, en voyage en caravane à travers le désert lorsqu'ils tombent sur un clan de cannibales. Le père, Big Bob Carter, est un ancien policier à la retraite, pragmatique mais parfois autoritaire. Sa femme, Ethel Carter, est une femme dévouée, bien que nerveuse face à l'inconnu. Leurs enfants, Brenda et Bobby sont confrontés à l'horreur lorsque leur famille est attaquée. L'évolution de cette famille, de victimes à survivants impitoyables, est l'un des éléments marquants du film.

Le couple Wood les accompagne, Dee Wallace et Martin Speer interprètent Lynne Carter-Wood (le troisième enfant de la famille Carter) et son mari Doug Wood. Lui, est un homme calme et raisonnable, mais il se transforme en un personnage déterminé et brutal alors qu'il tente de sauver son bébé et sa famille des cannibales. Elle, bien qu'elle meure tragiquement tôt dans le film, son personnage est central pour motiver la colère de Doug. Ensemble, le couple et leur bébé cristallisent le conflit émotionnel et physique de la famille Carter contre la brutalité des cannibales.

Wes Craven met donc en scène un affrontement entre deux mondes : celui de la civilisation et celui de la sauvagerie. Ce thème était particulièrement pertinent dans le contexte du Vietnam, où les Américains percevaient souvent la guerre comme une lutte contre un ennemi barbare ou non civilisé. Cependant, au fil du temps, les lignes entre civilisé et barbare sont devenues floues, notamment en raison des actions des forces américaines, qui ont parfois commis des atrocités dans le cadre de cette guerre.

Dans le film, la famille civilisée, bien qu’ordonnée et stable au départ, est obligée de devenir aussi violente et impitoyable que les cannibales pour survivre. Cela renvoie à la manière dont les soldats américains au Vietnam étaient parfois poussés à adopter des comportements brutaux pour survivre dans un environnement de guerre extrême. Cela peut être vu comme une réflexion sur la manière dont la violence de la guerre déforme la morale et les valeurs humaines.

Cette opposition peut aussi être interprétée comme une métaphore des tensions culturelles aux États-Unis pendant et après la guerre du Vietnam. La guerre a exposé les contradictions de la société américaine, notamment l’écart entre l’image du pays en tant que défenseur de la liberté et les réalités des atrocités commises en Asie du Sud-Est. Le choc de la guerre a brisé cette vision idéalisée de l’Amérique. La famille moderne est progressivement déshumanisée par la violence qu'elle subit, ce qui reflète la manière dont les soldats et la société américaine elle-même ont été changés par l’expérience traumatisante de la guerre.

La scène finale illustre en effet la déshumanisation totale de la famille Carter, notamment à travers le personnage de Doug. Après avoir traversé des épreuves inimaginables, Doug, qui au début du film incarne le pacifisme et la rationalité, est poussé à commettre des actes de violence brutale pour survivre et protéger ce qui reste de sa famille. Dans cette dernière scène, Doug tue férocement l'un des cannibales à coups de couteau. Le plan final montre Doug couvert de sang, le visage déformé par la rage et la haine, un contraste saisissant avec son comportement antérieur.

Ce moment symbolise l’effondrement complet de la moralité et des valeurs civilisées face à l'horreur. Ce n'est plus un acte de défense, mais un acte de vengeance déshumanisant. Le regard vide de Doug dans cette scène reflète la perte de son humanité, transformé par la violence en une version de ce qu'il combattait. C'est une conclusion puissante qui souligne le thème du film : dans des circonstances extrêmes, même les personnes les plus civilisées peuvent se transformer en bêtes sauvages.

The Hills have Eyes de Wes Craven se termine sur une note profondément pessimiste, offrant une réflexion troublante sur la nature humaine. Le film illustre comment, face à une menace existentielle, la violence et la sauvagerie peuvent émerger même chez les personnes les plus civilisées. La transformation progressive de la famille Carter, qui commence comme une famille américaine ordinaire et finit par recourir à des actes de barbarie pour survivre, est un miroir de l'idée que la violence engendre la violence, déshumanisant même les victimes. Wes Craven utilise cette histoire de survie pour souligner l'effondrement des structures morales sous la pression du chaos, et comment des circonstances extrêmes peuvent révéler une brutalité latente en chacun. En fin de compte, le film laisse le spectateur avec une vision sombre de l'humanité, où la ligne entre civilisation et sauvagerie est extrêmement fine.

StevenBen
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le 14 sept. 2024

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Steven Benard

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