C'est Sean Connery, souhaitant ne pas être enfermé dans le rôle de James Bond, qui donna l'idée à Sidney Lumet d'adapter le roman The Hill de Ray Rigby, donnant en 1965 La Colline des Hommes Perdus.
Sidney Lumet en est alors à son neuvième film, faisant suite au remarquable Point Limite et il va s'intéresser à cinq soldats anglais ayant commis des fautes considérées comme graves et qui vont devoir faire face à la brutalité d'un sadique sergent de pénitencier. Il présente brillamment le contexte de l'oeuvre avec une séquence d'introduction remarquable, tandis qu'il rend peu à peu son récit captivant, puis intrigant avant de lui donner une dimension particulière, intense et forte.
L'oeuvre est, à plusieurs points de vues, assez remarquable et Lumet donne une consistance et une richesse aux propos, enjeux et personnages. Il fait ressortir tout l'humanisme de son récit, tout en rendant ses protagonistes touchants pour les uns, et détestables pour d'autres, ils ne laissent jamais indifférents. Il propose une mise en scène étouffante, et parvient à mettre en place une ambiance assez lourde, âpre et saisissante. Il retranscrit toute la tension qui sévit dans ce camp ainsi que les divers affrontements psychologiques, d'idées et physiques qu'endurent les prisonniers face au sergent. Lumet adopte aussi un point de vue fort sur l'armée et surtout des hommes qui la composent, ce que les plus gradés essaient de faire de ceux qui le sont moins, des machines.
Le metteur en scène du brillant Le Verdict montre bien toute la cruauté qui se dégage de la situation, et de ce fait rend le combat des prisonniers juste et nécessaire. Il mène son récit avec grand brio, sachant enrichir les propos et donner de la consistance aux personnages et enjeux sans jamais alourdir le récit, tandis que le déroulement est convaincant, totalement maîtrisé par le savoir-faire indéniable de Lumet. Plusieurs séquences en deviennent mémorables, à l'image des révoltes des prisonniers et aucune ne laisse indifférents, tandis que le cinéaste démontre une réelle maîtrise de la caméra et des plans, pour mieux mettre en avant ses idées. Devant la caméra, les acteurs sont tout simplement remarquables, chacun donnant une vraie force à son personnage à commencer par un Sean Connery aussi intense que mémorable, à l'image de son discours où il revient sur ce qu'est l'armée et la discipline.
Sidney Lumet signe avec La Colline des Hommes Perdus une oeuvre mémorable et puissante, teintée d'humanisme et surtout touchante, jusqu'à un final particulièrement bien écrit et mis en scène, pour un film fort, intense, dur et emmené par de remarquables comédiens.