Sidney Lumet est incontestablement l'un des cinéastes majeurs du 20ème siècle. Avec "La Colline des hommes perdus", sorti 8 ans après "Douze hommes en colère", il signe un drame poignant autour des traitements déplorables infligés à certains soldats dans les camps disciplinaires de l'armée britannique.
Cette œuvre nous fait suivre le quotidien de cinq soldats envoyés dans un centre de correction dans le désert libyen afin de les mater et les remettre dans le droit chemin. Ces hommes ont pour punition de grimper chaque jour une colline de sable sous un soleil de plomb tout le jour durant. Le but de cette sanction infligée par le sergent Williams, en charge de surveiller les fautifs, est d'épuiser les soldats, voire même de les humilier.
Filmé avec pas mal de gros plans afin de renforcer le sentiment d'étouffement, déjà bien présent de part le lieu (le désert), "La Colline des hommes perdus" est un réquisitoire contre l'injustice et contre la lâcheté. Peut-on aussi y voir un film anti-militaire ? A chacun sa vision du film. Dans un autre contexte (une guerre par exemple), le réalisateur aurait peut-être eu une vision différente concernant le thème de l'armée ... Toujours est-il qu'il est clair qu'humilier des hommes pour insubordination est un agissement lâche et perfide : la sanction n'est pas proportionnée à la faute. Je vois donc surtout ce film comme une critique de la pensée unique.
Saluons ensuite le casting dans son ensemble. La distribution est notamment portée par Sean Connery, alors en pleine période James Bond. Il trouve ici un rôle dramatique fort, celui d'un meneur d'hommes qui se bat pour la dignité et pour le respect des conditions humaines. Comme déjà évoqué plus haut, le film explore le thème de la lâcheté, notamment avec le personnage de l'officier médecin (campé par Michael Redgrave) qui couvre sans broncher les agissements du sergent Williams. Les séquences sont donc très souvent intenses, même révoltantes.
Le film nous interroge également sur le thème de l'autorité/du pouvoir. Comme chacun sait, l'autorité peut prendre différentes formes. Elle peut par exemple être issue d'une légitimité institutionnelle, ou elle peut aussi venir d'une capacité de persuasion (le charisme). Avec ce film, on s'interroge sur, à la fois, l'attitude face au pouvoir mais aussi sur ses limites ... dans quelle mesure continuerons-nous à suivre les ordres ?
Au final, ce long-métrage est de ceux sur lesquels il y a beaucoup à dire. Je terminerais seulement en disant qu'il est décevant qu'il ne soit pas plus (re)connu. Parmi d'autres films des années 1960, j'ai l'impression qu'il est un peu tombé dans l'oubli. On pourra toujours se consoler en se disant qu'il avait été présenté au Festival de Cannes en 1965.