Ouverture sur des cartons, 4 cartons, production, titre, contexte historique, puis, une image claire, une équipe de tournage et deux acteurs sur un plateau vide. Nous sommes dans les coulisses, coulisses d’un post tournage, l’après image, celle qu’on ne montre pas.


L’image et la production sont au centre de notre attention. Watkins nous met au cœur de la Commune par le biais des caméras des équipes de journalistes communards et versaillais. Les images dont nous allons être les témoins feront écho à des panneaux qui ponctueront le film de manière profondément brechtienne, notre non voyage au sein de cet événement révolutionnaire.


La Commune vient percuter notre réalité par sa disposition scénique, visuelle et par le montage, car notre république bourgeoise, nos constructions étatiques ainsi que notre mode de vie occidental sont tous bâtis sur les charniers de la Commune.


Une question éminemment importante, qui fait écho, évidemment, avec la production : les refus de financement de certaines institutions, le tabou toujours présent au sujet de ce massacre, la manière de construire le décor et les environnements ainsi que d’employer les acteurs.


Les images terribles employées par les médias, déformées par les journalistes pour s’accrocher à une ligne dans leur idéalisme ou leurs instincts meurtriers et réactionnaires. Watkins, dans ce grand jeu de recréation, ne met pas ces acteurs dans des positions d’acteurs, mais bien en tant que personnes vivant cette expérience, qui progressivement, en fonction de leur position, vont se rendre compte à travers leurs personnages de la Commune en tant que telle. À long terme, ils vont humainement et frontalement se poser des questions avec les autres acteurs, réfléchir et penser la situation dans une forme de fusion entre eux et leurs personnages.


« Que ferais-je si j’étais bien elle ou lui dans cette situation ? »


Il ne cherche pas à nous immerger, nous spectateurs, mais bien à nous faire être témoins actifs du déroulement de cette expérience, écouter et voir mais surtout penser de manière synchrone en tant qu’individus, en tant que spectateurs, pour après, communément, fabriquer comme les équipes de tournage et les figurants.


Face à nous, une véritable expérience commune, qui nous évoque le passé et invoque le présent, le présent de l’image, notre situation et celle des autres, qui nous invite à dialoguer avec autrui et qui nous choque par la force destructrice des images, par l’histoire passée qui nous est racontée, celle d’aujourd’hui et celle que l’on peut construire demain.


Car les dernières images terribles des pelotons d’exécution nous invoquent à ne plus jamais filmer de cette manière, à ne plus ressentir cette terreur, à, en tant que participants actifs à cette expérience, s’insurger et à en finir avec un système qui nous fait et fait souffrir les personnages.


La Commune n’a pas été ramenée à la vie par Watkins, elle a été refaite, une recréation de l’histoire qui nous pousse à fabriquer celle de demain, ensemble et courageusement, en transformant un outil dangereusement maniable : l’image.

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le 11 juil. 2024

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