Neil Jordan se livre à une démystification des contes avec cette nouvelle approche du loup et du loup-garou qui revisite carrément "le Petit chaperon rouge" et quelques autres comme "le Petit Poucet"... Cette vision n'est cependant pas enfantine car en sous-main, il s'agit de l'éveil à la sensualité d'une jeune fille, plus tout à fait petite fille et pas encore femme, dont la grand-mère fait tout pour la brider en racontant des histoires morales pour la mettre en garde contre l'homme et le loup qui ne font qu'un. Il y a dans tout ça quelque chose de freudien, le réalisateur propose une lecture troublante et baroque, mais son propos est asséné de façon psychanalytique, en mélangeant le rêve et la réalité, si bien que par endroits, on est un peu désorienté, c'est assez creux et surtout il manque cet aspect merveilleux qui aurait dû enrober ce conte de fée pour adulte et qui aurait pu lui donner un cachet mirifique.
Jordan construit son film autour de la fascination du loup et de l'univers de la forêt, lieu de tous les dangers et des peurs enfantines, où les loups veillent dans l'ombre. Ce qui sauve un peu ce film, c'est justement son esthétique due à son imagerie qui offre une plongée dans un ailleurs, un monde lointain et étrange dans lequel il lâche le chaperon rouge, la mère-grand et le loup, la forêt est intégralement reconstituée en studio, dense, profonde, mystérieuse, terrifiante, c'est d'une beauté inouïe et ça rappelle les vieux livres illustrés, les plans des loups aux yeux phosphorescents dans la nuit sont magnifiques, dommage que ça ne soit pas servi par un scénario plus élaboré. L'autre atout, ce sont quelques scènes de transformations étonnantes en 1984, du temps où ça se faisait encore de façon mécanique avec un montage adapté, mais qui paraitront assez kitsch aux nouvelles générations.
Un conte imparfait qui glorifie le loup en y mêlant symbolisme, érotisme latent et fantastique horrifique.