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Après Un roi à New York, il faut attendre dix ans que Chaplin reprenne une caméra. L'envie ne lui en reprendra plus, d'ailleurs : à 77 ans, le passage à la couleur acheva celui qui était difficilement passé au film sonore. Promettant l'exotisme à son titre et à ses plans idéaux-graphiques, cette ultime réalisation est totalement théâtrale et tournée en studios ; on y sacrifie la lumière du soleil hawaïen à l'éclairage artificiel, et l'écriture des gags ne va pas très loin : enfermés dans un décor à deux tableaux (un pour chaque pièce), Brando et Loren sont limités à jouer avec les portes et à sursauter, un concept qui tranche avec le raffinement de la prétendue comtesse (Loren) d'une manière qui faillit à nous convaincre d'être de quelque bienveillante absurdité.
Les portes ont beau être au centre de la pièce (comme c'est inhabituel !), elles ne sont pas non plus très bien montées sur leurs gonds : le passage d'une chambre à l'autre oblige à changer de caméra, procédé dont la répétition nous fait bien voir les fois où l'on aurait mieux fait de la fermer, ainsi que les bizarretés de synchronisation entre les cris qui les traversent et les clés remplissant leur rôle par prestidigitation.
Les qualités du film sont des talents impérissables de Chaplin : l'écriture (au sens large seulement, par contre) et la direction d'acteurs. Il donne vie à Brando et Loren (quoique ne sachant pas maquiller la mésentente qui planait) mais de manière égale à des rôles moins importants qui finissent par créer l'ambiance et la cohérence de ce bateau n'ayant malheureusement rien pour lui en termes de mise en scène.
On obtiendra une once de jubilation dans un humour assourdi, dans les douces pâmoisons et les légers soubresauts d'une aristocratie détourée à la gomme dure, et cette sympathie que Chaplin semble avoir développée sur le tard pour le pouvoir et ses serviteurs humains. Mais le produit final semble boucler la boucle avec un vaudeville médiocre dont Chaplin avait pourtant été un des premiers à dissocier le cinéma. Une fin mélancolique pour un artiste de génie qu'il ne faudra pour autant cesser de louer.
Créée
le 4 janv. 2019
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