La Condition de l'homme 3 - La Prière du soldat par ngc111

Pendant la guerre ; toujours. Kobayashi n'avait pas encore fini de relater l'impact de la plus terrible des conditions humaines, en tout cas le contexte le plus ardu, sur son personnage.
Kaji déserte, porté par ses convictions politiques et sociales, par l'horreur de la guerre et les transformations qu'il comprend avoir subi et subir encore après la vie en caserne et le frénétique va et vient des balles et des morts du champ de bataille. Commence une longue marche où les épisodes se succèdent avec une variété prodigieuse et un rythme certes lent mais toujours approprié.

Il y a les divergences de vues avec les quelques soldats l'accompagnant, sur ce qu'il convient de faire (se rendre ? Retrouver son armée ? Retourner chez soi ? ) ; il y a la faim et ses tiraillements, qui amène des personnalités à se révéler, qui ramène la lutte des inégalités au premier plan (entre prostituées et gens à la moralité soi-disant irréprochable, entre jeunes et vieux, entre hommes utiles et fardeaux...) ; il y a ces moments de folie où l'amour éloigné provoque des visions, des reports affectifs qu'il faut refréner ; il y a les milices chinoises qui se défendent et protègent leurs biens et leurs domiciles...
Le périple est quasi inhumain, les thèmes abordés sont encore plus nombreux que dans les deux premiers volets de l’œuvre.

Malgré tout Kaji retrouve par moment son instinct de meneur, sa faculté de prendre les choses en main et d’entraîner avec lui les autres ; mieux, il retrouve au camp de prisonniers sa combativité politique et sociale, sa volonté de lutte mue par un désir de justice et de générosité non éteint malgré les horreurs traversées.
Non Kaji n'est pas devenu un monstre d'individualisme, un meurtrier au sang froid, une machine à tuer ; il n'est même pas devenu un survivant qui s'accroche de tout son être à la vie et à sa volonté de retrouver le foyer conjugal. Il est resté plus que cela ; il est toujours plein d'empathie, toujours prompt à réclamer l'équité malgré la barrière de la langue (avec les russes), toujours torturé par le sang qui tâche ses mains et souille son âme.
Il reste humain.

La Prière du soldat achève parfaitement une trilogie qui mérite son statut de chef d’œuvre ; qui aura poussé loin la réflexion sur la condition de l'homme, son évolution, les atteintes à sa conscience ou à son âme ; qui aura fait montre d'une sobriété pertinente mais non dénuée de moments de grâce dans sa réalisation.

Bouleversant est sans doute le terme le plus approprié pour caractériser le cheminement de Kaji. Et si l'on devait faire une prière pour cette œuvre, c'est que le grand amour qu'on lui porte trouve le chemin de l'éternité.
ngc111
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le 26 févr. 2013

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