Une petite ville française,durant la Deuxième Guerre Mondiale.Barny,communiste enragée et jeune postière dont le mari est prisonnier en Allemagne,aide la Résistance et cache des juifs chez elle.Quand le vieux curé local meurt,il est remplacé par un jeune abbé charismatique,Léon Morin,qui devient vite la coqueluche du patelin,surtout auprès des femmes.La très anticléricale Barny est agacée par cet engouement et finit par aller rencontrer le prêtre dans le but de le provoquer en débinant la religion,mais leur relation va évoluer bien différemment de ce qu'elle prévoyait.Plus que d'un remake du film de Jean-Pierre Melville,il s'agit ici d'une nouvelle adaptation du roman largement autobiographique de Béatrix Beck.C'est Nicolas Boukhrief,ex journaliste autrefois fondateur avec son pote Christophe Gans de la mythique revue de cinéma Starfix et devenu un cinéaste éclectique et inégal,qui réalise et signe le scénario.Il a semble-t-il manqué de moyens et la reconstitution,assez pauvre,n'est guère convaincante et affiche une facture téléfilm tandis que le langage est un peu trop modernisé.Entendre une gisquette proclamer que le nouveau prêtre est "canon" heurte carrément les esgourdes,cette expression n'ayant été popularisée que bien des décennies plus tard.Cependant les scènes nocturnes intérieures éclairées à la bougie sont réussies,proposant de magnifiques teintes mordorées.L'histoire repose uniquement sur l'affrontement entre Barny et Morin,et ça fonctionne parfaitement grâce à des dialogues brillamment écrits et des comédiens investis qui tiennent merveilleusement la partition.Le mystère de la foi est exploré en détail et,s'il n'est évidemment pas résolu,on comprend les mécanismes de la croyance ou de l'incroyance.Barny arrive avec son pragmatisme et ses certitudes matérielles mais son combat est perdu d'avance car Morin est un roc irréductible,qui s'amuse de l'insolence de cette jeune femme farouche mais au fond fragile.Il est inatteignable car il a la foi,la vraie,celle qui n'a pas besoin de preuve.Il sait que Dieu n'existe peut-être pas,en tout cas pas sous la forme que lui confère l'Eglise,mais il s'en fout car lui est sûr qu'il y a quelque chose au-dessus de lui qui est plus grand que la condition humaine.Barny s'épuise à le contredire et peu à peu elle perd pied.Pire,elle succombe au charme du prêtre et rend les armes au point de vouloir se convertir,elle la communiste bouffeuse de curés,à la fois pour complaire à son mentor et pour accéder à la sérénité qui anime l'abbé.Parce qu'il y a le contexte,la guerre,les allemands,les collabos,la peur,le danger,les hommes jeunes qui ne sont plus là,son mari détenu loin d'elle,sa petite fille qu'elle doit protéger.Morin arrive là comme une bouffée d'oxygène,avec ses certitudes tranquilles et son charme inconscient.Fatalement une histoire d'amour se dessine,sans même qu'ils en soient conscients au début.La tension sexuelle s'installe et Barny,vaincue et soumise,est prête à tout donner mais Léon,en bon catho,résiste à la tentation.Parce que le gars n'est pas insensible à la séduction de sa paroissienne mais il refuse de renoncer à ses voeux.Il va devoir refuser de voir Barny,ce qui va le faire changer,devenir nerveux et distant avec tout le monde,lui le curé accueillant et empathique,et il finira par prendre la fuite en prenant en charge une lointaine cure montagnarde,non sans avoir au préalable déclaré son amour à demi-mots.Boukhrief maîtrise idéalement la progression des sentiments des personnages ainsi que les tourments intérieurs qui les tiraillent,entretenant jusqu'au bout un trouble confinant au suspense car on se demande vraiment si tout ça ne va pas se terminer au plumard,comme dans les fantasmes de Barny.Par contre,les scènes intercalées présentant une Barny mourante se confessant à un jeune ecclésiastique sont maladroites et superfétatoires.Marine Vacth est sublime de beauté et d'intensité et restitue de manière éclatante les glissements successifs de son personnage.Romain Duris est aussi bon qu'il peut l'être parfois et incarne de façon frémissante l'évolution d'un Morin moins inflexible qu'il ne veut le paraître en dépit de son apparente force tranquille,et sa prestation n'est pas indigne de celle de Belmondo autrefois.