Double tranchant

Nouveau film de Tarik Saleh sur les corruptions islamiques, La Conspiration du Caire est un chouette long-métrage qui arrive à bien filmer la situation sociale et politique dans laquelle est ancrée la capitale. Mais son souhait de ne pas tergiverser dans les relations entre les différents protagonistes, ce qui peut être une qualité, entraîne le film dans une prévisibilité et des raccourcis parfois inutiles.

Tarik Saleh choisit effectivement de ne pas trop faire durer son film. Par conséquent, il évite les scènes un peu redondantes que l'on peut voire dans des films sur la corruption (comme des poilades au bar, des amitiés qui se formeraient à l'école etc), ce qui est un choix audacieux car cela peut provoquer un manque d'empathie envers les personnages, mais c'est en même temps malin car ça marque la mise en scène dans sa volonté de dresser l'image d'un complot religieux et politique, avant l'image d'hommes. Mais le problème avec le film, c'est que malgré cela, toutes les séquences sont mises en scène de manière et assez classiques et sont surtout très prévisibles. Du premier assassinat, jusqu'à la fin. On sait comment ça va être raconté, et on sait comment ça va se finir. Du coup le film n'est jamais surprenant, bien qu'il arrive parfois à accéder à quelques scènes froides et cyniques, pour mettre en avant le paradoxe de la foi, et des dérives de la vie. J'aime beaucoup la manière dont il montre aussi l'américanisme du pays. C'est dans le détail de certaines séquences que Tarik Saleh constate que l'empirisme américain fait des ravages y compris dans la consommation égyptienne (un Redbull dans un taxi, du Pepsi chez une femme voilée, un Macdo demandé en secret par un des imams..) Cela participe à dénoncer de façon absurde la différence entre le train de vie de certains, et les paroles dédiées à la foi religieuse qu'ils sont tous censés apprendre par coeur et ne pas discuter. Tout son film s'occupe assez souvent d'ailleurs de critiquer ce paradoxe constant. Et cela passe aussi par des plans volés dans la ville, pour filmer la pauvreté et la situation sociale globale de la capitale.

Mais la corruption en tant que tel, le rôle du jeune, la relation avec sa famille (intéressante au début cela dit) et le développement de l'histoire restent assez banals. Toutes les péripéties ont été déjà vues des centaines de fois. Je noterai juste la scène où Adam appelle son oncle, où la tension est palpable car le réalisateur laisse durer ces plans. Tout le reste est finalement assez charcuté. Comme il ne veut pas perdre de temps, il expédie beaucoup de séquences qui auraient mérité à être plus longues. Du coup le film se suit comme une enquête divertissante, mais qui ne révolutionne jamais le genre. Et son sous texte sur le mépris de classe, et sur la puissance malsaine du pouvoir, n'est pas non plus nouveau et reste très classique dans son développement.

Mais Tarik Saleh sait garder un rythme constant et froid. Il parvient à capturer quelques instants de réels avant de replonger dans la fiction, ce qui fait que le film n'est pas dénué d'intérêt. Et il gagne aussi parfois en intensité grâce à l'interprétation très juste de ses deux personnages principaux. Mention spéciale à Farès Farès qu'on ne présente plus, qui est excellent et très nuancé dans ce rôle d'homme de pouvoir mystérieux.