"La Corde" est un film facilement criticable, tant par l'artificialité de sa mise en scène résultant du défi que le Maître s'était donné de faire un film en un seul plan, que par le manque de réalisme de son matériau scénaristique montrant l'effondrement quelque peu forcé d'un crime parfait. On peut aisément trouver qu'il manque de rythme (et il est vrai qu'il y a un petit "tunnel" au milieu, malgré la relative courte durée du film - un peu plus d'une heure vingt), et juger que le grand Jimmy Stewart n'est pas aussi bon qu'à l'accoutumée (je pense en particulier au discours un peu grandiloquent de la fin, supposé rétablir une certaine morale dans un film qui dépeint le poison distillé par les théories suprématistes au sein des milieux intellectuels). Pourtant, il y a dans "la Corde" suffisamment de moments épatants - et de partis pris courageux - pour réjouir le fan de Hitchcock, et même le spectateur lambda : tout d'abord la peinture franche d'un couple homosexuel, chose rarissime à l'époque ; ensuite la spendeur des mouvements des personnages et de la caméra, qui montre que le challenge du huis clos n'en est pas un pour le Maître, qui nous éblouit constamment par l'élégance et l'intelligence de son filmage ; enfin, et malgré ce dernier monologue discutable, la présence magnétique de Stewart, dans la peau d'un professeur enivré par ses propres constructions intellectuelles qui se trouve horrifié par les conséquences de ses paroles, soit un sujet réellement ambitieux dans un monde qui se relevait à peine des horreurs du nazisme.