Le fameux meurtre parfait en ouverture de cet huis-clos tiré d'une pièce de théâtre, l'homosexualité de deux étudiants suggérée d'emblée, des plans-séquences de 10 minutes, même si assez mal enchaînés, un technicolor de toute beauté, Alfred Hitchcock ne choisissait pas la facilité mais se révélait une fois de plus en avance sur son temps...
Bernard (glaçant John Dall) et Philippe ont deux caractères très opposés. Philippe, le dominé, ne semble pas du tout assumer ce crime et ne pas non plus être particulièrement sûr de lui dans la vie ; Bernard, le dominateur, est un winner. Un gros connard vaniteux pensant appartenir à une race d'hommes supérieurs, et comptant bien, grâce à ce crime, le prouver - inconsciemment - au professeur (James Stewart) qui lui aurait inspiré sa vision eugéniste du monde, prétendant que le meurtre serait un privilège de l'élite (référence évidente à Crime et Châtiment). Ce serait même un plaisir pour lui que de tuer ; un art. Bernard veut impressionner ce prof qui l'impressionne, et devant lequel il bégaiera dès l'entame de la future réception...
Une réception d'abord organisée pour se construire l'alibi parfait, mais aussi pour satisfaire son propre orgueil, décidant même au dernier moment de disposer les agapes sur la malle - recouverte d'une nappe et dont la fameuse corde dépassera - au fond de laquelle gît la victime... Surtout qu'en dehors de ce professeur, les parents et la petite amie du mort seront invités. J'aime ce pitch. J'aime cet humour noir.
Bernard qui se croyait si supérieur apprendra au fur et à mesure de l'expérience, et à ses dépens, que la réalité n'est pas toujours aussi facile à maîtriser qu'il ne le pense... Quant à son ami, n'en parlons pas, sa nervosité n'aura d'égale que sa consommation en spiritueux. Toutefois, la dernière partie du film s'avèrera quelque peu attendue et relativement décevante sur le plan scénaristique. Surtout que l'on devine sur l'épilogue que le réalisateur s'autocensure, se conformant à la morale de par la prise de conscience soudaine du professeur, trop extrême à mon goût, malgré son sentiment de culpabilité.
Un très bon huis-clos cela dit, dont la virtuosité et l'avant-gardisme parviennent sans mal à éclipser les quelques faiblesses. D'autant plus que sa courte durée évite qu'éventuellement nous nous lassions...