Dans le Mississippi des années 60, la petite ville de Jackson n'échappe pas aux lois de la ségrégation. Dès le début le climat est annoncé: riches banlieusardes aux maisons cossues d'un côté, nounous noires en uniforme et au sourire crispé de l'autre. Depuis des années, le clivage blanc/noir dicte les moeurs des habitants de cette banlieue chic et semble banaliser bon nombre de comportements irrespectueux (mais qui s'en offusquerait?) La loi a choisi son côté, alors les oppressés se réduisent au silence, trop effrayés à l'idée de payer le prix de leur imprudence.

Il faudra attendre l'arrivée, ou plutôt le retour, d'une jeune écrivaine aux idées bien différentes pour dévoiler les non-dits. Car les non-dits, il y en a beaucoup: non seulement ce que les domestiques n'osent pas dévoiler mais également ce qui est caché dans un premier temps au spectateur (la mystérieuse disparition de Constantine, ce qu'est advenu le fils d'Aibileen, ce qu'il s'est réellement passé avec la tarte au chocolat) Les réponses tardent un peu à venir, car celles qui les détiennent ont soit trop honte de leur comportement (les blanches aussi ont quelque chose à cacher), soit trop peur.

Je dis "elles", "celles" et non pas "eux", "ceux", car l'histoire est racontée d'un point de vue exclusivement féminin. Les hommes, à peine montrés à l'écran, sont soit relégués au simple rang de figurants, soit ridiculisés, soit tout simplement absents (le mari de Minny joue un rôle important mais il n'apparaît pas une seule fois, il est simplement mentionné). Ainsi, dans La couleur des sentiments, les violences psychologiques et humiliations sont des affaires de femmes et il n'est nul besoin de poings pour rendre quelqu'un misérable. Les mesquineries et injustices peuvent être tout aussi destructrices.

Malgré tout, Tate Talor a réussi à faire passer à travers ce film un formidable message d'espoir. Admirablement servie par des acteurs talentueux (Emma Stone s'en sort très bien, de même que Viola Davis et Octavia Spencer), une juste balance entre nombreuses touches d'humour et scènes dramatiques et une histoire intéressante, La couleur des sentiments est une oeuvre à la fois efficace et très divertissante. A voir en VO absolument.
Museriver
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le 17 août 2011

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