Cette nouvelle adaptation en version comédie musicale du roman d’Alice Walker n’a quasiment aucun rapport avec le film de 1985. Tant mieux, elle aurait été inutile autrement. En revanche, difficile de déterminer un point de vue à ce film, qui selon moi ne dépasse pas vraiment l’exercice de mise en image d’une pièce musicale de Broadway (je l’ai deviné facilement pendant le film, ne sachant pourtant rien de sa genèse).
D’ailleurs, pas besoin d’en être expert pour apprécier la qualité des chansons et chorégraphies impeccablement interprétées et incarnées par les comédiennes et figurants.
Ce qui me gêne et qui (d)étonne un peu avec ce film, c’est le décalage absurde entre la noirceur de qui est raconté, et la brillance de ce qui apparait à l’écran : les costumes chatoyants aux couleurs vives et exagérées, les décors d’une propreté presque irréelle à l’esthétique quasi-publicitaire, ces peaux parfaites comme si tous les personnages venaient de se faire un gommage…
L’un des partis pris du film, et sans doute de la pièce initiale, est cette idée si originale que « la vie est belle malgré tout ». Quelle fantaisie. Oui, cela transparait dans les paroles des chansons, dans le sourire contagieux des personnages, en essayant (sans y parvenir tout à fait) de ne pas minimiser la souffrance insupportable et dramatique des femmes de cette histoire, qui appelle tout de même un certain devoir de sérieux et de respect. Enfin j’crois.
Chacune des séquences du film fait l’objet d’une recherche du spectaculaire permanente : tourner autour des personnages sur une plage de carte postale, ralentir l’image parce que ATTENTION REGARDEZ Y A UNE CASCADE !! Y A UNE CASCADE VOUS AVEZ VU ??? donc faut en profiter parce que ça fait un plan incroyable qui fera bien dans la bande-annonce, quelle inspiration bravo.
Tout cela participe à l’affaiblissement de l’intensité dramatique du film, et une impression de scènes pivot en sous-régime alors qu’elles devraient être fortes et marquantes : une scène raciste d’arrestation, une scène de rébellion lors du repas familial jusqu’à la scène finale qui fait l’effet d’un pétard mouillé. Toujours privilégié ici sera le Show Must Go On plutôt que l’exploration psychologique des personnages : à aucun moment n’est compris le pardon final, une décision presque absurde et à peine expliquée. Dans le genre pétard mouillé : l’avant-dernière chanson, selon moi la plus importante, du personnage principal terminant sur « I am beautiful », qui est la seule du film (parmi les très nombreuses) à n’avoir absolument aucune idée de mise en scène, à rester complètement statique devant une boutique, se faisant des champs-contre-champs sur elle-même. Plus de budget ou plus d’inspi ? Étrange.
En bref, un beau spectacle, bien huilé, parfaitement interprété, mais trouvant à mon sens peu d’intérêt à côté de la comédie musicale dont il est issu, et n’ayant que peu de résonance avec les thèmes traversés par le roman original.
A noter quelques bonnes idées de mise en scène, quelques transitions parfois un peu gadget, dans le genre « regardez-moi j’ai des supers idées de cinéma », mais qui fonctionnent souvent sur moi puisque j’aime le mauvais goût. Voilà, c’est mon coming out.