Un des derniers Spielby manquant encore à mon tableau de chasse. Un de ses plus polémique aussi. Un film globalement d’excellente qualité, mais un film dans lequel il est difficile d’y entrer. Cela principalement dû à sa première demi-heure, véritable torture pour le spectateur tellement ce qu’elle dépeint est dure, violent, terrible, révoltant, dramatique. Dès les premières images, le spectateur est saisi à la gorge. Cette première partie est largement suffisante pour faire abandonner l’envie de voir la suite. Cependant, une fois cette première partie passée, le ton change légèrement.
L’histoire est globalement toujours aussi dure, dans sa description de la vie d’une femme noire au début du siècle, dans une Amérique encore très raciste mais aussi très machiste ; l’arrivée de nouveaux personnages complètement hors du temps et au caractère fort réussissent à nous faire passer la pilule. Et il y a même des moments où on se surprend à esquisser un sourire et même à rire. Plusieurs thèmes fort y sont développés, certains peut-être un peu trop rapidement (mais peut-être que ça l’est mieux dans le livre), mais globalement bien traités.
Arrive alors la dernière partie du film qui commence à nous faire envisager le rêve, à nous évader de ce monde cru et violent dans lequel vit l’héroïne. Au moment où l’on pensait qu’il n’y avait plus aucun espoir, celui-ci rejaillit, nous irradie, comme pour déclarer haut et fort qu’il ne disparaît jamais. La fin se fait donc dans le plus classique des happy ends, mais vu les 2h30 de film, on se dit que c’est largement mérité et on la prend avec plaisir. Une histoire vraiment superbe !
Sur le casting, on envoie également du très très lourd. Il y a tout d’abord Danny Glover, dans un rôle complètement à contre-emploi pour l’acteur et ce qu’il fait d’habitude et pourtant il s’en sort à merveille, en devenant terrifiant. Néanmoins, c’est surtout du côté des actrices que se trouve le pactole avec Whoopie Goldberg, Margaret Avery et Ophrah Winfrey : les trois, au rôle central, nous dévoile là une prestation de très haute volée. On passe par à peu près toutes les émotions avec elles, par à peu près tous les états psychologiques, et le tout à chaque juste et crédible. Du très très grand art. Et je leur tire mon chapeau bien bas. Les autres rôles secondaires se révèlent également très bons.
Qu’en est-il du film lui-même ? Et bien qu’une nouvelle fois, même s’il est très différents de ses autres films, on reconnaît là bien la patte de Spielberg. La musique (qui n’est pas composée par John Williams cette fois-ci) s’ancre parfaitement dans l’histoire pour créer une ambiance toujours en accord avec ce qu’il se passe. Les différentes chansons permettent de nous projeter aux différentes époques. Les décors sont tout simplement magnifiques, nous envoyant en moins de deux dans le sud des États-Unis au début du siècle comme si on y était.
Quant à la mise en scène, comme toujours ou presque avec Spielby, c’est du grand art. Quand je parlais de la dureté de la première demie-heure, l’histoire y est pour quelque chose mais elle est complètement transcendée par la mise en scène de Spielberg. Le tout se cristallise à la perfection lors de la dernière scène de cette partie (lorsqu’Albert renvoie Nettie) : les plans de cette séquence nous poignardent de part en part. C’est le moment le plus dur du film et pourtant l’un des plus magistraux. On peut aussi citer les nombreux séquences à tables ou les plans sur les visages des personnages…on pourrait citer tout le film ou presque.
Bref, un autre grand film de Spielberg. Pas forcément son meilleur, mais comme très souvent avec lui, un film de grande qualité qui saura nous parler et qui même s’il traite d’une histoire s’étant passé il y a près de 100 ans, se trouve malheureusement être toujours d’actualité. Un autre masterpiece à ajouter à la filmographie du dieu Spielby.