Après avoir réalisé le deuxième opus des aventures d'Indiana Jones, Steven Spielberg décide de mettre de côté les extra-terrestres et l'aventurier au chapeau et au fouet, pour tourner un film dans un registre différent et au ton plus «sérieux». Considéré par ses pairs comme étant uniquement un réalisateur d'entertainment, il quitte sa sphère habituel en espérant avoir leur reconnaissance. C'est donc en 1985 que sort "The Color Purple", adaptation du roman éponyme d'Alice Walker, avec Whoopi Goldberg, Danny Glover, Margaret Avery et Oprah Winfrey.
Le film raconte l'histoire sur une trentaine d'années d'une femme noire nommée Celie, à travers tous les déboires de sa vie dus à sa position sociale minime dans la société américaine des années 1900 à 1930.
Spielberg décide donc se pencher sur une période de l'histoire américaine où la population noire était plus ou moins bien intégrée à la société. Ce genre de film lui permet de faire passer un message sur la différence et la tolérance, sans avoir systématiquement besoin de recours métaphoriques. On a alors droit à une mise en scène beaucoup plus académique de sa part. Le piège avec ce type de mise en scène pour ce genre de film est de pouvoir tomber trop facilement dans le pathos et le tire-larmes car les images que nous voyons risquent d'être trop appuyées et soulignées. Et sur ce point, personnellement, j'ai trouvé que Spielberg s'en était plutôt bien sorti dans l'ensemble. J'ai trouvé le film touchant mais je ne l'ai pas ressenti non plus comme voulant être un tire-larmes à tout moment. Même si la mise en scène de Spielberg est bien plus académique que d'habitude, le réalisateur joue beaucoup avec les jeux d'ombres et nous offre des plans de contre-jour absolument magnifiques.
C'est aussi le premier film de Spielberg où la femme tient un rôle prépondérant et prend une réelle importance. Whoopi Goldberg, pour son premier rôle au cinéma, livre une fantastique prestation dans la peau de Celie, jeune femme noire du Sud des États-Unis, soumise et ne servant qu'à assouvir les besoins de mari. Cette situation fait qu'elle est très en retrait par rapport aux autres personnes et n'ose pas dévoiler ses émotions, hormis quand elle est avec sa sœur Nettie. Elle apprendra au fil du film à s'extérioriser et à prendre le contrôle pour enfin pouvoir vivre sa vie, qu'importe son sexe, sa couleur de peau ou son statut social, afin de retrouver l'affection qu'elle avait perdue. Danny Glover livre lui aussi une très bonne prestation dans la peau de cet homme cruel, maladroit et brutal.
Néanmoins, le film contient pas mal de longueurs. Il est un trop long à mon goût (2h30), et je pense que 20 à 30 minutes en moins ne lui auraient pas fait de mal, sans pour autant qu'on perde toute l'attention que l'on doit porter aux personnages, en particulier Celie.
Spielberg décide, une fois n'est pas coutume, de se passer des services de John Williams et fait appel à Quincy Jones. Ce dernier livre une bonne composition, teintée de blues et de gospel, offrant de bonnes scènes comme le concert de Shug Avery chez Harpo, ou encore la scène du gospel dans l'église à la fin du film.
À sa sortie, une partie des critiques avait été choqué qu'un homme blanc et juif réalise un film sur la population noire aux États-Unis, adapté d'un livre écrit par une noire. D'ailleurs, le film sera nominé dans toute les catégories aux Oscars à l'exception du meilleur réalisateur. Sérieusement, comment peut-on avoir un raisonnement aussi ridicule ? Donc il aurait fallu obligatoirement un réalisateur noir et descendant d'esclaves pour faire ce film, c'est ça ? Alors que ça n'a choqué personne quand Ridley Scott a réalisé "Gladiator", et pourtant je ne pense pas qu'il avait un ou plusieurs gladiateurs dans son arbre généalogique. Et Tim Burton n'est pas un martien, pourtant il a fait "Mars Attacks!" et personne ne lui a rien dit. Après pour ce dernier, j'ai quand même quelques doutes sur son origine terrestre. Surtout qu'avant d'être un film sur les noirs, Spielberg a avant tout voulu traiter des relations entre les deux sexes et des émotions qui en découlent. Décidément, la connerie humaine n'a pas de limites.
Loin d'être une de ses meilleures œuvres et malgré quelques longueurs qui viennent ternir le rythme, Steven Spielberg nous offre un film sortant de son registre habituel, touchant et plein de finesse, conjugué à des prestations convaincantes de la part de Whoopi Golberg et Danny Glover.