vue en coupe d'une société

Cela sonne comme une évidence que James Ivory, qu'on a pu qualifier de "plus british des réalisateurs américains", adapte Henry James, auteur pour lequel on pourrait transposer sans mal cette qualification, qui obtient la nationalité britannique à la fin de sa vie.

La coupe d'or, ce n'est pas le genre de roman qui s'adapte aisément, car si l'on sait que depuis Le princesse de Clèves, la part belle est régulièrement faite dans le roman à l'intériorité des personnages, ce roman d'Henry James n'est lui constitué quasiment que de cette intériorité si difficile à rendre à l'écran. Le choix de la voix off peut bien la rendre, ce qui est le choix par exemple de Les deux anglaises et le continent, ce qui ne sera pas le cas ici.

La coupe d'or aurait pu être l'une de ces adaptations de classiques faisant pale figure, comme il y en a tant, mais James Ivory arrive finalement à un résultat plus qu'honorable. Dans le choix de commencer par cette histoire des temps jadis, indiquant quel sera probablement le destin de nos protagonistes, ce qui sera bien le cas mais d'une manière plus inattendue, car les temps ont changé. Ces temps, c'est la société cosmopolite américaine du tournant du XXème siècle, une aristocratie née de l'argent dont le maître mot est d'éviter à tout prix le scandale. C'est la société que l'on retrouve dans certains romans d'Edith Wharton, qui était d'ailleurs amie avec Henry James et appartenait à cette société.

Dans cette société corsetée, Charlotte et le prince sont tous deux des romantiques dépaysés par les temps modernes, le prince étant l'héritier désargenté d'une grande famille remontant à Amerigo Vespucci. Ils étaient fait pour s'aimer, car ils étaient pareils dans un monde qui ne fait plus grand cas de gens comme eux, mais le prince veut désespérément retrouver la richesse. C'est bien sûr ce qui sera cause de toute l'histoire.

Le prince épouse donc Maggie, fille d'un milliardaire et amie d'enfance de Charlotte, à qui le milliardaire en question propose le mariage. Pris dans les rets de leur amour toujours aussi fort, Charlotte et le prince vont intriguer pour se retrouver le plus possible ensemble. On verra ainsi la déchéance de Charlotte, devenue intrigante par la force des choses, que son caractère amènera trop loin, et qui en paiera le prix. Dans ce quatuor de personnages, on peut regretter que le personnage de Maggie ne soit plus développé, car à son sujet le prince sera sujet à un revirement qu'on s'explique finalement assez peu.

Concernant le style, l'adaptation est classieuse, en terme de casting et de décors. James Ivory est dans son élément et parvient finalement à rendre plutôt bien le roman. Il parvient à rendre un peu de cette atmosphère intérieure, sans en dire trop, et l'évolution de Charlotte est assez admirablement rendue. Ce n'est sans doute pas la meilleure adaptation d'un auteur classique par James Ivory, mais cela reste un film très correct.