Un peu de lumière dans ce monde de brutes
Ils viennent de partout et pour toutes sortes de raisons. Encadrés un temps dans la classe d'accueil d'un collège parisien afin d'apprendre ou parfaire leur français, se remettre à niveau pour intégrer une 4e ou une 3e classique, comme en transit donc, bringuebalés encore, ils trouvent là comme un foyer provisoire sous la protection de Brigitte Cervoni, enseignante exemplaire.
Très proche, attentive et vive, en totale empathie, Julie Bertuccelli cadre, capte la lumière ou la brume dans les yeux, les sourires gênés, les sourires francs, les incertitudes. On parle de tout, de langues, de familles, de religion. On s'engueule, on échange, on partage. On se reconnait surtout. C'est ce qui frappe : cette manière de se retrouver dans l'autre alors que son histoire est si différente mais que le point commun, si ténu, est si fort. Invités par l'enseignante à se raconter, évoquer leur départ, leur arrivée, leur parcours, ces enfants déjà grands, devenus grands par la force des choses mais encore si fragiles, nous rappellent ce qu'être humain veut dire.
La cour de Babel n'est pas un film pédagogique. Il n'est pas là pour nous dire ce qu'on n'aurait pas su ou pas imaginé. Si l'on apprend effectivement l'existence de ces classes d'accueil, nouvelle rassurante dans une France dont on ne sait plus quelles valeurs elle défend encore, on reçoit surtout, comme un cadeau, une énergie communicative. Ils sont jeunes, ils veulent vivre, ils croient encore que tout est possible ou presque.
Et pourtant, quelle lucidité ! Chacun sait pourquoi il est là, quelles difficultés ses parents ont dû et devront encore traverser. Il est beau aussi de les voir en compagnie d'un père, d'une mère, il est beau de voir cet amour s'exprimer sous nos yeux. Julie Bertuccelli réussit à dresser le portrait de chacune, de chacun, dans une mise en scène simple et délicate, une prise sur le vif toujours juste, quelquefois miraculeuse.
Film bourré d'humanité mais jamais complaisant ni bêtifiant, La cour de Babel fait tout simplement du bien. Et ce n'est pas si fréquent.