La Cour de Babel
7.1
La Cour de Babel

Documentaire de Julie Bertuccelli (2014)

Un peu de lumière dans ce monde de brutes

Ils viennent de partout et pour toutes sortes de raisons. Encadrés un temps dans la classe d'accueil d'un collège parisien afin d'apprendre ou parfaire leur français, se remettre à niveau pour intégrer une 4e ou une 3e classique, comme en transit donc, bringuebalés encore, ils trouvent là comme un foyer provisoire sous la protection de Brigitte Cervoni, enseignante exemplaire.

Très proche, attentive et vive, en totale empathie, Julie Bertuccelli cadre, capte la lumière ou la brume dans les yeux, les sourires gênés, les sourires francs, les incertitudes. On parle de tout, de langues, de familles, de religion. On s'engueule, on échange, on partage. On se reconnait surtout. C'est ce qui frappe : cette manière de se retrouver dans l'autre alors que son histoire est si différente mais que le point commun, si ténu, est si fort. Invités par l'enseignante à se raconter, évoquer leur départ, leur arrivée, leur parcours, ces enfants déjà grands, devenus grands par la force des choses mais encore si fragiles, nous rappellent ce qu'être humain veut dire.

La cour de Babel n'est pas un film pédagogique. Il n'est pas là pour nous dire ce qu'on n'aurait pas su ou pas imaginé. Si l'on apprend effectivement l'existence de ces classes d'accueil, nouvelle rassurante dans une France dont on ne sait plus quelles valeurs elle défend encore, on reçoit surtout, comme un cadeau, une énergie communicative. Ils sont jeunes, ils veulent vivre, ils croient encore que tout est possible ou presque.

Et pourtant, quelle lucidité ! Chacun sait pourquoi il est là, quelles difficultés ses parents ont dû et devront encore traverser. Il est beau aussi de les voir en compagnie d'un père, d'une mère, il est beau de voir cet amour s'exprimer sous nos yeux. Julie Bertuccelli réussit à dresser le portrait de chacune, de chacun, dans une mise en scène simple et délicate, une prise sur le vif toujours juste, quelquefois miraculeuse.

Film bourré d'humanité mais jamais complaisant ni bêtifiant, La cour de Babel fait tout simplement du bien. Et ce n'est pas si fréquent.
pierreAfeu
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2014 • Film par film, Quand le documentaire fait du cinéma et Les meilleurs documentaires

Créée

le 17 mars 2014

Critique lue 285 fois

pierreAfeu

Écrit par

Critique lue 285 fois

D'autres avis sur La Cour de Babel

La Cour de Babel
Philippe_Delaco
7

Critique de La Cour de Babel par Phil Dela

Le manque d'accès au langage, c'est le début de la violence. Celle de ne pas pouvoir exprimer ses sentiments, ses pensées, leur complexité, leurs incohérences, leurs nuances. Dans cette frustration...

le 7 avr. 2014

8 j'aime

La Cour de Babel
aldanjack
10

l'ecole de la tolérance

Précisons de suite que nous sommes loin des habituels films sur l'éducation (Entre les murs, L'Esquive, Detachment) car il n'y a ici aucune rivalité entre profs et élèves. Et ça fait du bien. Il...

le 30 avr. 2014

6 j'aime

1

La Cour de Babel
PatrickBraganti
5

L'école pour tous

La promotion d’une certaine idée de l’école républicaine dans le cadre d’une classe d’accueil dans un établissement du dixième arrondissement parisien devrait largement concourir au consensus autour...

le 18 mars 2014

6 j'aime

2

Du même critique

Nocturama
pierreAfeu
4

The bling ring

La première partie est une chorégraphie muette, un ballet de croisements et de trajectoires, d'attentes, de placements. C'est brillant, habilement construit, presque abstrait. Puis les personnages se...

le 7 sept. 2016

51 j'aime

7

L'Inconnu du lac
pierreAfeu
9

Critique de L'Inconnu du lac par pierreAfeu

On mesure la richesse d'un film à sa manière de vivre en nous et d'y créer des résonances. D'apparence limpide, évident et simple comme la nature qui l'abrite, L'inconnu du lac se révèle beaucoup...

le 5 juin 2013

51 j'aime

16

La Crème de la crème
pierreAfeu
1

La gerbe de la gerbe

Le malaise est là dès les premières séquences. Et ce n'est pas parce que tous les personnages sont des connards. Ça, on le savait à l'avance. Des films sur des connards, on en a vus, des moyens, des...

le 14 avr. 2014

41 j'aime

21