Comme c’est souvent le cas dans le genre de la screwball comedy tournant autour du thème du mariage, la question de savoir si le film est misogyne ou féministe peut se poser et, comme c’est souvent le cas, la réponse me semble être : les deux ! La course au mari en est l’exemple parfait et le film commence par une réplique tout à fait féministe où Anabel (Betsy Drake) pose la question à son amie (Diana Lynn) : « Pourquoi ne pourrions-nous pas leur envoyer des fleurs ? Les inviter à dîner ? Les emmener en auto à la campagne et simuler une panne d’essence ? », question tout à fait pertinente, surtout à l’époque du film, où il est inconvenant qu’une femme fasse franchement des avances. Et, sur ce point, le film pose clairement l’idée d’une émancipation des femmes. Mais, malheureusement, le but de ces avances n’est que le confort d’une vie conjugale banale, le rêve américain de la femme au foyer et l’idée de mettre le grapin sur un futur mari, quel qu’en soit le prix en roublardise et en mensonges. Anabel est à la fois fantasque et tristement banale et sa fixation sur le bon docteur Brown (Cary Grant) a quelque chose de psychotique qui pourrait devenir franchement inquiétant si l’on sortait un peu du registre de la comédie. Comme le fait justement remarquer Serge Bromberg dans sa présentation du film (DVD aux éditions Montparnasse) un tel film aujourd’hui irait plus dans le style du Liaison fatale d’Adrian Lyne (1987). Mais nous sommes en 1948 et nous n’avons ici qu’une petite comédie pleine de drôlerie et de rebondissements, avec un Cary Grant plus sobre que d’habitude qui se fait un peu voler la vedette par Betsy Drake, adorable emmerdeuse, dans son premier rôle au cinéma. Quant au réalisateur, Don Hartman, peu connu et qui, je crois, n’a réalisé que cinq films, il fait dans le fonctionnel efficace, sans plus. Le film est disponible en DVD aux éditions Montparnasse dans une bonne copie que les Nancéiens peuvent trouver à la médiathèque de la Manufacture.