Ce film est passionnant à plusieurs titres. Le dispositif, qui consiste à superposer aux images un texte écrit a posteriori par les réalisateurs en forme de récit à la troisième personne, ce même texte étant présenté par eux au protagoniste, voilà qui est original. Si le texte a le défaut d'être trop littéral, trop envahissant, la situation fait "naître" des révélations sur le passé du personnage, ce qui est une mise en abîme assez habilement amenée.
La chronique d'une campagne faite de "dédiabolisation" à marche forcée, le cynisme des hiérarques - ou aspirants tels - du "Front", tout est ça est très bien montré, avec beaucoup d'intelligence et de subtilité. Mais le meilleur du film, c'est son personnage. On fait mieux que le juger, on le comprend. Dans ses costumes noirs mal taillés, étranger parmi les bourgeois, pas vraiment prolo non plus, il peine à trouver sa place, et nous à savoir s'il s'agit, ou non, d'un "connard", pour reprendre l'interrogation finale (même si, de mon point de vue, la question elle est répondue : le connard, c'est son "chef"). Sur un sujet aussi polarisé, la moindre réussite de ce film de sociologie en chair et en os n'est pas de savoir garder l'ambiguïté. Dommage de ne pas avoir laissé encore un peu plus de place à Bastien R., dommage pour la scène où le réalisateur tente de le pousser dans ses retranchements (il fallait le faire tout le temps ou pas du tout), mais belle réussite tout de même.