La Crème de la crème par Zogarok
Après Sheitan et Dog Pound, Kim Chapiron présente La crème de la crème, dont la supposée dimension subversive (par ses attaques ciblées) et trash (par l’omniprésence du sexe) a été sur-vendue. Trois étudiants d’une école de commerce similaire à HEC y développent un marché sexuel. Ils vont recruter les jolies filles pratiquant des petits boulots quelconques, voir minables, c’est-à-dire ceux du commun des mortels et leur donnent une chance de côtoyer l’élite. Ainsi ils les lâchent dans les soirées étudiantes pour allez soigner les besoins des fils à papa. Après tout, eux-mêmes sont là pour se fabriquer un réseau.
Le film a bien un contenu socio-politique chargé et intrinsèquement orienté (se focaliser sur une réalité donnée c’est orienter), mais Chapiron n’a pas pris la route du brûlot. Au lieu d’enfoncer des portes ouvertes, il a préféré montrer les lois tacites et les rouages d’un monde de nantis, celui de la formation de « la crème de la crème » spécifiquement ; et il y insinue une jolie romance. Celle-ci ne dit pas son nom tout le long du film, avant de surgir comme une réponse définitive, engageante et courageuse.
Ainsi le film réserve une ultime séquence qui pourra sembler passer à côté de son sujet : or celle-ci est un doigt d’honneur romantique et néanmoins lucide. Le sujet n’est donc absolument pas éludé ou oublié, il est déconsidéré, via une méthode douce, celle d’un moraliste naïf manifestement. Les limites de La crème de la crème sont plutôt celles de son champ de vision intrinsèque : tout ce que nous y voyons n’est qu’un petit élément sur la route des véritables élites. Le spectateur, comme le trio de proxénètes du film, n’est pas dans la spéculation mais bien devant la réalité.
Cela rend La crème d’autant plus efficace et imprenable. Une nouvelle fois Chapiron excelle dans sa direction d’acteurs et le film brille autant par ses qualités d’écriture que par l’intelligence des portraits et tous ces tics très évocateurs manifestés par les personnages. Chapiron arrive à représenter la réalité avec une précision troublante, tout en restant un cinéaste (et pas un documentariste, même poétique façon Kechiche). Le film est parfaitement équilibré, sans graisses inutiles, ne sombre jamais dans le racolage qui lui tend les bras. Chapiron ne s’étend pas sur les détails graveleux et inutiles, il s’exprime clairement et sans galvauder son propos. Son cinéma est réfléchi et percutant, chargé de scrupules, pour le meilleur malgré les privations qu’ils impliquent.
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