Connu pour être inadaptable, suite à une première tentative en 1970, le roman de Sébastien Japrisot donna à Sfar son scénario. Modifié à quelques virgules près, celui-ci s'articule autour d'Anita et surtout de son amie Dany, laquelle travaille dans l'agence de publicité du mari de la première. Le triangle des trois protagonistes principaux est nourri par de l'amour, de la haine et un certain degré de jalousie.
Dany, jeune femme magnifique, "manque de confiance en elle" d'après le synopsis.
MON.
PUTAIN.
D'OEIL.
Nous on l'a juste trouvée fracassée, à la ramasse, un peu à côté de la plaque, amoureuse sans le dire, nunuche, franchement naïve, bécasse, mais aussi arrogante dans sa démarche, sa pose, sa façon d'évoluer dans l'espace, bref, tout sauf craintive d'elle-même. Bien qu'elle paraisse désemparée face aux demandes étranges de son patron, nous comprendrons très vite qu'elle est davantage motivée par le désir, et est prête à mettre de côté tout bon sens pour fantasmer deux secondes. A part ça, chaque instant du film m'a donné envie de hurler "mais, ne fais pas ça !". Comment peut-on être aussi bête.
En revanche, malgré l'absence de constructivité des dialogues ou de preuve de son intelligence, nous pouvons voir : la moue de Dany, les jambes de Dany, les chaussures de Dany, la lascivité de Dany, la nuisette de Dany, la bouche de Dany, ses pieds à nouveau, ses jambes encore, ses jambes toujours. Sfar adore son actrice, nous l'avons compris, mais en filmant l'actrice, comment peut-il nous montrer le personnage ?
Au passage, la prise de liberté sur le physique de l'actrice (1m68 dans le bouquin, 1m68 de jambes seulement dans le film), c'est vraiment pas discret pour nous dire que tu la kiffes, ton actrice, Joann.
Un physique de dingue donc, cela va sans dire, qui heureusement pour Dany a la chance d'évoluer dans un cadre temporel génialement représenté et parfaitement exploité (ni trop ni trop peu), qui magnifie visuellement les personnages, celui des années 70.
D'où les lunettes dont la taille justifie à elle seule leur mention dans le titre du roman. Dommage pour le fusil, qui lui donnait clairement plus de profondeur au tout et dont la présence dans certaines scènes signale que là est vraiment l'action.
Et, si je ne m'abuse, les années 70 n'ont jamais signifié une amour inconditionnel des pieds, tandis que le film présente une manie déconcertante de filmer au niveau du sol l'héroïne.
Monsieur Sfar, un fétiche à avouer ?
Alors bien sûr, connaissant les moindre recoins de l'oeuvre du réalisateur en BD, il n'est pas surprenant de retrouver cette admiration de la femme, la mise en scène de la sensualité, du corps. Mais jamais jusqu'ici je n'avais trouvé aussi insipide un personnage féminin chez Sfar, qui a pourtant l'habitude de dessiner de l'intelligence, de l'humour, de la sagesse, bref, de la contenance.
C'est même au ton de l'une des dernières phrases du film, "Je voulais juste voir la mer", que la déception est intervenue. La même phrase, prononcée de façon infiniment plus cynique aurait pu rendre cette oeuvre géniale, version Coen. A la place, un personnage faussement déconnecté. Tes actions Dany, tes choix, ton appétit pour ta propre mise en danger, c'est NEVER. Impossible d'adhérer au potentiel du film, de la beauté de l'actrice, tant ce qu'il s'en dégage cérébralement est plat.
En tout cas Michel avait bien choisi sa victime et a même eu le loisir de lui expliquer à la fin toute l'intrigue avec force de détails et de chronologie pour lui expliquer son idiotie.
Attention, je ne nie pas faire preuve de mauvaise foi en bâchant le personnage, la vérité c'est que je suis terriblement jalouse : moi aussi je voudrais savoir conduire avec de si hauts talons pendant si longtemps. Si je n'ai pas accroché, ce n'est donc pas de la faute de Freya Mayor, mais celle de Sfar qui pousse le manque de crédibilité de son film à ce point ; quand la spectatrice moyenne passe une heure trente à se demander comme l'héroïne fait pour ne pas avoir mal aux pieds, au lieu de jubiler sur la qualité de la réalisation, c'est qu'il y a un problème.
Et ce manque de crédibilité, c'est finalement ce que je reproche au film. Dès les premières minutes, on ne peut croire au dialogue sans saveurs de Dany et de ses collègues. Les expressions faciales, les voix, les accents, sont caricaturaux et manquent perpétuellement de naturel.
La bande son vraiment pas mal permet au moment de ne pas être trop long, et divers éléments de réalisations sont quand même à sauver, notamment, un mélange entre flashbacks et rêves qui fait s'interroger le spectateur sur ce qu'il souhaiterait voir à la fin de cette histoire. On voulait par exemple plus de drame, plus de psychologie, plus de suspense.
Biolay (que je ne détestais pas mais maintenant si) a une façon de jouer aussi originale que ma reprise du titre comme en-tête de critique sur SC (je parie qu'on va tous le faire). Le monologue final laisse un goût amer, son manque de conviction gâchant la force d'un scénario pourtant alléchant : le film n'a malheureusement plus rien d'un "policier".
Je voulais juste voir un film. Tant de déception. Mais Stacy Martin. Mais ça : https://www.youtube.com/watch?v=ev7NMv7j6tI