Dans son quatrième long-métrage dont il a le contrôle totale, Orson Welles va formellement expérimenter et approfondir la thématique du faux dans ses moindres détails. LA DAME DE SHANGAI se révèle d'une modernité à toutes épreuves.


Dès le début, Welles nous emmène dans un monde factice. Son personnage, Michael O'Hara, solide et charismatique mais d'une naïveté pathétique, va se laisser emporter dans une affaire délicieusement retorse. Les personnages sont tous travaillés jusqu'à la moelle, tous ont du caractère, de la personnalité ainsi que de sombres motivations. Dans ces écrins vont se fondre les acteurs qui offrent des partitions ambiguës. Au détour de délicieuses séquences en extérieures et de vertigineux gros plans sur les visages, le doute et la méfiance ne cesse de s'installer. Les pions se déplacent subtilement pour parvenir à ce final d'une intelligence et d'une beauté formelle implacable. O'Hara a beau connaître la triste réalité par son expérience de la guerre, il se laisse bercer d'illusions. Il se rendra bien compte de sa stupidité mais au détriment d'une part de sa personnalité. Ce film nous happe par sa description d'un monde sans foi ni loi, où le procès d'un homme n'est qu'une farce, où la vie n'est que manigances et orgueil. Idées que l'on retrouve au travers de ce merveilleux travail sur le second plan appuyant le propos du premier et donnant vie au film au-delà de la scène.


Magnifique, LA DAME DE SHANGAI met à l'amende bien des productions récentes. Dans sa forme comme dans son fond, il déjoue les codes et propose une vraie leçon de cinéma. Un film-noir mais en même temps bien plus que cela.

Seenzek7
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2021 : CINEMA

Créée

le 8 févr. 2021

Critique lue 105 fois

1 j'aime

1 commentaire

Seenzek7

Écrit par

Critique lue 105 fois

1
1

D'autres avis sur La Dame de Shanghai

La Dame de Shanghai
Sergent_Pepper
9

Screw the looking glass

L’enquête lacunaire et vouée à l’échec sur le citoyen Kane le disait déjà : il est souvent impossible, chez Welles, d’accéder à la vérité des êtres. Ce n’est pas les rapports mère-fils dans La...

le 24 janv. 2017

72 j'aime

3

La Dame de Shanghai
Kalian
10

Lovely Rita

Je ne sais pas pour vous, mais je commence à avoir une idée bien arrêtée de ce que je recherche dans un film noir : Une atmosphère particulière, où le meurtre, le vice, le sexe, la violence et...

le 10 janv. 2011

54 j'aime

41

La Dame de Shanghai
SBoisse
8

« Affolés par leur propre sang »

Orson Welles, encore mince et beau, et sa femme Rita Hayworth, au sommet de sa sculpturale beauté. L’enfant terrible du Wisconsin, génial touche à tout, homme de théâtre, de radio et de cinéma,...

le 6 juin 2019

32 j'aime

9

Du même critique

L'Appel de la forêt
Seenzek7
8

La chaleur d'un cœur

Maintes fois ai-je entendu ce titre, L'Appel de la forêt. On me parlait d'un roman court, d'un grand roman tout court. Aussi, au vu de la sortie récente d'une adaptation cinématographique, je me suis...

le 27 juil. 2020

5 j'aime

2

The Vast of Night
Seenzek7
7

La nuit, on vous écoutera

Un petit film de science-fiction au très joli titre et au postulat fort sympathique, ça attire l'œil. Alors, avec quelques excellents retours et une proposition cinématographique réduite, pourquoi...

le 23 juil. 2020

4 j'aime

The King of Staten Island
Seenzek7
7

Doux-amer

Judd Apatow a récemment déclaré dans Cinemateaser (magazine que je vous encourage à lire de toute urgence) qu'il fallait arrêter de séparer comédie et drame. Et ma foi, ce monsieur a tout fait...

le 5 août 2020

3 j'aime