J'ai revu hier ce film, et ça m'a quelque peu laissé dubitatif parce que je l'avais vu au moins 2 fois plus jeune en me laissant un bon souvenir, alors que là il y a quelque chose que je n'arrive pas à définir et qui fait que je ne l'ai pas trouvé si extraordinaire que ça. Alors attention, c'est très relatif, ce n'est qu'une impression, mais si j'avais considéré ce film comme étant un de mes westerns préférés dans mon adolescence, aujourd'hui, il ne l'est plus, d'autres grands westerns viennent avant dans mon classement personnel.
Le pire c'est que je ne sais pas à quoi ça tient, peut-être une histoire de rythme, le déroulement de l'intrigue, des scènes de tuerie de bisons... je ne sais pas. Le fait est que Richard Brooks refuse les conventions du western traditionnel, limitant volontairement les scènes d'action (si l'on excepte une bagarre de saloon), prenant son temps et laissant trainer la tension, car il y a une tension latente durant tout le film. D'autre part, il y a des scènes insupportables où l'on voit des bisons se faire vraiment massacrer, je crois qu'il s'agit d'abattages encadrés afin de réguler leur population, le montage est bien intégré à l'intérieur du film, mais je ne peux m'empêcher de trouver ça révulsif.
C'est un western psychologique qui suit principalement l'affrontement entre 2 chasseurs de bisons, 2 faces d'un même homme qui symbolisent le chasseur de bisons, 2 conceptions de la vie : celle pleine de rigueur et humaniste défendue par Stewart Granger, et celle dure, cruelle et dépourvue de tout sens moral prônée par Robert Taylor. Au centre de ce conflit, le bison et la chasse ; Brooks filme cet antagonisme sans pitié avec maîtrise en détaillant ces rapports ambigus. De plus, ce western décrit de façon troublante le problème indien, pas à la façon de John Ford dans les Cheyennes qui décrivait l'agonie de tout un peuple promis au génocide, mais de façon détournée à travers le personnage de Robert Taylor, on y sent profondément l'anéantissement d'une nation, c'est un rappel douloureux de ce que fut le calvaire de ce peuple. Le public américain supporta difficilement ce film à sa sortie car il ressentait sa propre culpabilité.
Le personnage de Robert Taylor est inoubliable, je pense qu'il livre ici sa prestation la plus forte, il est animé d'une rage de tuer indescriptible ; en voyant sa férocité à décimer un troupeau entier de bisons, on mesure combien ses paroles Tuer, combattre, lutter sont de naturels états de chose ont pu résonner dans la tête de tous ces massacreurs de bisons qui ont affamé les Indiens pour qui cet animal était vital. Taylor démontre qu'il était un grand acteur à travers cet archétype à la fois répugnant et fascinant de la violence pour qui tuer des bisons comme des Indiens ne fait pas une grande différence, c'est selon moi son plus beau rôle.

Ugly
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes le Best of du Western, Les meilleurs westerns et les Blancs dans les rôles d'Indiens à Hollywood

Créée

le 30 avr. 2020

Critique lue 661 fois

20 j'aime

7 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 661 fois

20
7

D'autres avis sur La Dernière Chasse

La Dernière Chasse
Ugly
8

Deux conceptions de la vie

J'ai revu hier ce film, et ça m'a quelque peu laissé dubitatif parce que je l'avais vu au moins 2 fois plus jeune en me laissant un bon souvenir, alors que là il y a quelque chose que je n'arrive pas...

Par

le 30 avr. 2020

20 j'aime

7

La Dernière Chasse
Pruneau
7

Bisons foutus

Un western de bisons, c'est assez rare. Et pour cause, il n'en reste pas des masses à filmer au XXe siècle vu que l'homme blanc les a tous flingués quelques décennies auparavant. Ce génocide bovin...

le 6 juil. 2012

19 j'aime

4

La Dernière Chasse
Sergent_Pepper
7

Bisons butés.

Des horreurs sur lesquelles s’est construit la violente conquête de l’Ouest, le massacre des bisons n’est pas la moindre. Le carton initial explique qu’on estime leur population à 60 millions en...

le 9 févr. 2018

16 j'aime

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

123 j'aime

98

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

98 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 5 déc. 2016

95 j'aime

45