Totalement radical dans son propos et son concept formel, La Dernière maison sur la gauche fit évidemment sensation lors de sa sortie en 1972 et annonce par son style documentaire Massacre à la tronçonneuse. Viol, torture, meurtres, le film épargne peu de choses aux spectateurs et se révèle un véritable précis des éléments qu’il faut utiliser pour réaliser un film bien glauque. Avec son image crade qui rappelle les pellicules pour 16 millimètres, son montage chaotique, ses scènes hallucinées et son ton parfois absurde, Wes Craven crée une nouvelle façon de faire qui est aussi celle d’un amateur éclairé. Car ce qui fait aussi l’étrangeté de l’ensemble, c’est une certaine ignorance du métier, de la façon de concevoir des plans et de créer un certain rythme. Une fois cela dit, il convient donc d’admettre que le statut culte du film relève autant de l’accident que du talent (?) de son metteur en scène.
Ce film militant est, par ailleurs, trop caricatural pour pleinement convaincre, surtout des décennies plus tard. Les personnages sont mal dessinés, les situations manquent de crédibilité et, surtout, le mélange des genres est très peu heureux. On connaît le goût de Wes Craven pour le second degré, mais son traitement des personnages incarnant la loi (le shérif et son adjoint) qui sont deux crétins finis avec des épisodes qui se veulent burlesques se télescope quand même très maladroitement à un récit extrêmement malsain. Par ailleurs, de nombreuses scènes, dans la droite ligne de ces deux personnages inutiles, donnent l’impression de remplissage pour tirer jusqu’au 81 minutes. C’est dire que le propos tire quand même à la ligne et que Wes Craven avait quand même peu à dire sinon qu’il souhaitait s’amuser à éveiller des consciences en se choquant le public puritain.
Le résultat aujourd’hui se regarde. Certaines scènes font même encore totalement le job. Le malaise est présent et la folie est vraiment à portée de main. On peut, en revanche, aujourd’hui s’agacer devant des choix scénaristes simplistes, des coïncidences trop évidentes, des ellipses narratives difficiles à lire, des choix de tons pas franchement heureux. Entre, d’un côté, la volonté d’être le plus réaliste possible et, de l’autre, la tentation de prendre de la distance avec ce qui est montré à l’écran, on est parfois très circonspect. Culte, assurément, le résultat est un modèle de "rape and revenge". Mais il est quand même très loin d’être vraiment abouti.