Ce pourrait être le dernier des Westerns. Celui qui clôt le genre en l’ayant fait revenir à son point de départ. La Dernière Piste est aussi la première, celle qu’on suit pour atteindre cet Ouest fantasmé, celui des vertes prairies, des terres pour tous, de l’or qui vous tombe sous le pied par hasard, celui de tous les possibles. Celui qui n’existe que dans votre esprit. Fable mythologique, le film de Kelly Reichardt lance une petite troupe de colons dans un voyage digne des hébreux égarés 40 ans dans le désert. Le texte biblique s’adapte à la réalité historique de ces Etats-Unis en devenir, qui semblent se chercher éternellement. Les nouveaux habitants ne comprenant rien aux signes d’un pays qui n’est pas vraiment le leur. Dans sa deuxième partie, les migrants choisissent de suivre un indien. Vers où ? Vers l’eau ? Vers l’océan ? Vers les vertes prairies ? Vers la mort ? Vers un paradis mystique ? La Dernière Piste s’apparente alors à un cousin lointain du Nicolas Roeg de The Walkabout et du Peter Weir de Pique-Nique à Hanging Rock. On y retrouve le même onirisme, le même sens du détail, la même splendeur formelle.

Tournée en format 1,33:1, l’œuvre de Reichardt est la seule à pouvoir tutoyer Terrence Malick cette année. Que ce soit sur la beauté ou sur la portée du propos, La Dernière Piste dépasse toutes les attentes. J’avais été enthousiasmé par Old Joy, mais la réalisatrice atteint ici de nouveaux sommets. Elle est plus accessible et plus ambitieuse, privilégiant toujours le réalisme, mais en le confrontant directement à l’étrangeté et aux mythes. L’important c’est le voyage et non la destination, semble-t-elle nous conter. Tous les personnages errants de La Dernière Piste ne sont peut-être que des fantômes qui hantent les territoires sauvages des Etats-Unis. Ombres maudites, mauvaises consciences, âmes en peine, autant de reflets d’une époque qu'on croyait épuisée par la représentation cinématographique. C’est le Western qu'on attendait, celui qui balaie tout romantisme, tout héroïsme, celui qui revient à la source pour faire entrer définitivement le genre au panthéon des légendes humaines.
Ed-Wood
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le 3 oct. 2012

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