La Passion du Christ
"Je n'ai pas fait ce film pour prouver quoi que ce soit à qui que ce soit". La citation est de Martin Scorsese, cinéaste exaspéré par toutes les polémiques qui ont pu émailler le tournage ou sa...
le 28 juin 2013
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C'est le genre de film où je ne sais pas, à la volée, même après avoir vu le film, mettre une note entre 1 et 10 tant les présupposés personnels, religieux ou philosophiques, peuvent interférer.
On va tenter une revue de détail pour essayer de statuer à la fin.
Ce film tourné en 1988 est basé sur le roman de Kazantzakis, pas récent, puisqu'il a été publié en 1955. Ce livre, qui décrit un Jésus tiré entre son désir de vivre sa vie humaine incompatible avec la mission, contraignante, qui lui a été assignée, a été condamné par le Vatican dès sa sortie. Le livre est très rude à lire et pas spécialement passionnant, ce qui fait qu'il n'a jamais vraiment fait scandale. Aussi quand il a eu été question d'en faire un film, par définition plus accessible, ça a été un tollé.
Il y a deux grandes parties dans le film très distinctes : les deux premières heures et la dernière demi-heure.
Pendant la première partie, le film revisite les différents évènements de la vie de Jésus (des paraboles à la résurrection de Lazare en passant par les retraites dans le désert, etc ...) en posant l'évènement et en essayant d'imaginer quelles pourraient être les réactions des gens de l'époque face à l'évènement et si ces réactions étaient aussi favorables que celles décrites officiellement par la tradition des Evangiles. C'est ainsi qu'une partie du public n'adhère pas à la parabole du grain (terme peut-être pas exact) car Jésus met en cause les riches (qui risquent de tout perdre). Ou bien encore, la fameuse visite du temple où Jésus pète un plomb en voyant tous les marchands faire du business dans un lieu sacré (la maison de son père). En envoyant valdinguer tous les étalages, il est certain qu'il a dû créer de l'émotion dans le Landerneau et échapper de peu au lynchage. Les disciples qui le suivaient n'en menaient d'ailleurs pas large…
Un point pas du tout anodin est le début du film où Jésus, qui est charpentier, est haï de ses compatriotes car c'est lui qui fabrique les croix utilisées par les romains …
Il ressort de tout ça que Jésus est un un homme en qui chair et esprit luttent continuellement. Et c'est un homme qui a peur comme tout le monde. Et si je résume un peu, ce n'est qu'après les épreuves du désert et à cause de la présence d'un Judas qui le pousse dans ses retranchements, que "l'esprit" va prendre le dessus et aider à vaincre la peur. La présence de Judas occulte d'ailleurs celles des autres disciples au point que la trahison de Judas est présentée comme un arrangement entre eux de façon à l'aider à franchir plus facilement le point de non-retour. Pour ce que j'en sais, ceci me semble un peu iconoclaste mais pourquoi pas. Ce n'est sûrement pas facile, quand on sait ce qui doit arriver, quand on est un homme qui aime bien la vie, de se jeter volontairement dans la gueule du loup.
Il y a de belles scènes notamment celles concernant Marie-Madeleine mais il y a des scènes qui me semblent inutilement provocantes par exemple quand il refuse de suivre sa mère et même la renie : "je n'ai pas de mère"...
Et puis on arrive à la deuxième (et dernière) partie où Scorsese met en scène la fuite de Jésus devant la croix, aidé par un ange (une petite fille) et sa retraite dans un coin paisible où il coule des jours heureux avec Marie-Madeleine puis avec Marie, la sœur de Lazare avec qui il aura de nombreux enfants…
Il est certain que cette vision de l'affaire est audacieuse et intéressante mais ne peut que heurter les croyants quel qu'ils soient, même s'il ne s'avère que tout ceci n'est qu'un rêve, une dernière tentation de Satan (sous l'aspect de la petite fille) de détourner Jésus de sa mission…
Les acteurs :
William Dafoe est un jésus très habité et très convaincant. (Même s'il est blond... Scorsese aurait pu faire l'effort de lui faire teindre ses cheveux pour lui donner un aspect un peu plus méditerranéen ou proche oriental)
Harvey Keitel représente Judas et tient bien son rôle
C'est Barbara Hershey qui joue le difficile rôle de Marie-Madeleine avec humanité.
On note Harry Dean Stanton en l'apôtre Paul et David Bowie en un Ponce Pilate (qui, là, ne se lave pas les mains)
La mise en scène est conforme au savoir-faire de Scorsese. Le tournage a eu lieu au Maroc et donne lieu à de belles photos.
La bande son est de Peter Gabriel et me semble bien adaptée.
En définitive, c'est un bon film, sans être un chef d'œuvre, avec quelques scènes ici ou là qui m'ont paru moyennement pertinentes, mais qui offre une vision intéressante de la vie de Jésus. Ce sera donc 8.
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le 27 mars 2021
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