La Disparition ? est un film documentaire intéressant pour qui aime la politique et se situe sur le côté gauche de l'échiquier. Et il est encore plus intéressant pour qui a milité au Parti socialiste.


Le titre en forme interrogative est une question légitime après le quinquennat de François Hollande achevé en 2017, et le score désastreux du candidat officiel du Parti socialiste au premier tour de la dernière élection présidentielle, à savoir l'inénarrable Benoit Hamon.


Mais le fait que cette question se pose aujourd'hui n'a pourtant rien d'évident si on remonte à 1981 et la victoire de François Mitterrand. Et c'est ce que fait ce documentaire, avec nostalgie et tendresse, de façon très subjective en interrogeant quelques témoins triés sur le volet. Tout d'abord, le vrai Baron Noir, Julien Dray, de toutes les aventures socialistes depuis près de trente ans. Ce dernier dialogue avec le dessinateur Mathieu Sapin. Le projet initial était une BD pour les 40 ans de la victoire de Mitterrand, et cela s'est achevé sur ce projet inclassable.


Les différents témoins interrogés amènent chacun quelque chose, mais ressassent la plupart du temps les grigris de la gauche, avec au premier chef Julien Dray qui continue de se fourvoyer. Selon lui, la gauche doit forcément faire vibrer, et un président issu de ce courant doit parler prioritairement au peuple de gauche pour lui assurer de sa fidélité aux grandes idées que véhicule sans doute ce mouvement. Il refuse encore toute notion de réalisme et de pragmatisme en mettant toujours en avant le romantisme. 


Laure Adler, journaliste et ancienne conseillère culture de François Mitterrand ne vient que pour parler de sa crainte d'une éventuelle arrivée de l'extrême droite au pouvoir et se désoler du désintérêt de certaines personnes pour la politique. Là où son apport est le plus intéressant, c'est lorsqu'elle concède que l'avenir appartient à la nouvelle génération qui ne pense pas comme elle. 


Gerard Colé, ancien conseiller en communication du président en revanche a une présence magnétique à l'écran et distille les meilleures anecdotes. On boit ses paroles et on apprends les choses les plus intéressantes. Loin du discours philosophique sur ce que doit être la gauche, ici, c'est la nostalgie qui prime dans ses propos. 


Enfin, Philippe Moreau-Chevrolet fera entendre la voix de l'homme de gauche désabusé, proposant encore et toujours l'arlésienne de la VIème République parlementaire. Feignant de croire que tout pouvait changer en rédigeant simplement une nouvelle constitution. Feignant de croire également que la constitution de 1958 instaure déjà un régime parlementaire en  France (chose que souligne Dray pourtant en parlant de la période du gouvernement Jospin). Cependant, ses répliques cinglantes sur les éléphants du PS qui n'en finissent pas de mourir et vienne déblatérer leurs inepties à la télévision au lieu de les dire simplement devant leurs postes, était assez savoureuse.


Portrait subjectif du PS, mais portrait non moins fidèle. On revient sur les bons moments, les victoires, les espoirs. Mais on constate surtout que ce parti a été incapable de conserver le pouvoir dans la durée car ce qui l'a toujours caractérisé est la coexistence de différents courants de pensée. Les contradictions internes ayant fini de faire exploser le parti. La conclusion étant que le peuple de gauche a fini par abandonner le PS, chacun ayant trouvé une raison de le détester. Julien Dray confesse pourtant son espoir de le voir remonter la pente. Mais il révèle aussi pourtant que la défaite de 2017, contrairement à d'autres, n'a posé aucun jalon de victoires futures éventuelles. 


Film modeste, utilisant habilement les archives et les témoignages, promenant la caméra dans des endroits plaisants de la capitale (Solférino, Bercy, Radio France), et surtout, parfois très drôle. Mais on ne perdrait rien à le voir à la télévision. Toutefois, quelle belle illustration de l'était du PS en février 2022. Sans présager du futur score de sa candidate à l'élection présidentielle.

Andika
6
Écrit par

Créée

le 10 févr. 2022

Critique lue 138 fois

3 j'aime

Andika

Écrit par

Critique lue 138 fois

3

D'autres avis sur La Disparition ?

La Disparition ?
Prunzy
7

La fin d'un mythe?

Vu la "dipsariton" en salle, en présence de l'auteur, et d'un personnage principal, Gérard Colé. film épatant, malgré ses faiblesses, quelques erreurs historiques légères, un trop grand podium pour...

le 22 févr. 2022

2 j'aime

La Disparition ?
DoisJeLeVoir
8

L'effondrement du Parti Socialiste

C’est une réalisation de Jean-Pierre Pozzi qui signe son troisième documentaire, les deux autres ayant reçu un belle acceuil du public et de la critique. Si vous ne connaissez pas le Parti...

le 8 févr. 2022

2 j'aime

La Disparition ?
ChristineDeschamps
8

Critique de La Disparition ? par Christine Deschamps

Tout observateur de la vie politique, même d'assez loin, ne peut que se demander comment diable un parti aussi ancien et éminent que le PS a pu se retrouver dans les cordes aussi rapidement ces...

le 24 avr. 2023

1 j'aime

Du même critique

Diego Maradona
Andika
8

Le mythe derrière l'homme

Diego Maradona est un nom que tout le monde connait. Celui d’un footballeur légendaire mais c’est également le titre du nouveau documentaire d’Asif Kapadia, réalisateur britannique à qui l’on devait...

le 3 août 2019

15 j'aime

3

Quatrevingt-treize
Andika
10

Quatrevingt-treize: La révolution, à quel prix...

93 est l'ultime roman de Victor Hugo et n'est pas loin d'être mon favori. Dans les Misérables, le grand père de Marius ne cesse de parler de cette fameuse année 1793 et c'est pour cela que j'ai eu...

le 3 nov. 2015

13 j'aime

3

The Circle
Andika
7

Le totalitarisme bienveillant

The Circle est un film très, très intéressant qui en dit beaucoup sur notre époque.Il s'illustre bien plus par son fond que par sa forme. De plus, le casting est excellent, Emma Watson qui joue Mae,...

le 14 juil. 2017

11 j'aime

1