La Disparition ? par Christine Deschamps

Tout observateur de la vie politique, même d'assez loin, ne peut que se demander comment diable un parti aussi ancien et éminent que le PS a pu se retrouver dans les cordes aussi rapidement ces dernières années. Il fallait bien un documentaire pour retracer une longue dégringolade et tenter de mettre des mots sur les raisons de l'agonie d'un parti qui jusque là était considéré comme un pilier de l'équilibre démocratique de notre vieux pays. A la manœuvre, Mathieu Sapin, dont les dessins servent de fil rouge à cette succession d'interviews et d'images d'archives, et Julien Dray, dont je n'étais pas spécialement avide de la compagnie, en raison de l'impression souvent désagréable qu'avaient laissé ses passages à la télé, en particulier les soirs de défaite électorale. Mais le gars est là depuis mes premiers souvenirs politiques, ceux de l'élection de Mitterrand suivie à la télé, chez mes grands-parents, en 81, et a été le témoin privilégié de l'apogée puis de la descente aux enfers de la gauche de gouvernement dans ce pays. Il s'avère bien moins pénible à suivre quand il joue les anciens combattants que quand il sort sa morgue de militant des grands jours, et son esprit de synthèse permet d'apporter quelques réponses aux questions qu'on se pose. Ça n'est pas si souvent que le citoyen obtient des réponses, il faut saluer l'exploit. Bon, alors, comment en est-on arrivé là ? Comment en vient-on à vivre dans un pays de droite qui penche dangereusement vers l'extrémisme quand des figures de gauche se sont hissées régulièrement au sommet du pouvoir et n'ont pas fait pire que leurs concurrents de droite, qui eux aussi ratent à peu près tout ce qu'ils entreprennent, mais s'en sortent miraculeusement avec une aura de possibles sauveurs futurs quand les socialistes font désormais figure de tristes guignols incompétents ? Eh bien, selon les intervenants, c'est là la conséquence de l'abdication des idéaux et de leur subordination au "réalisme" politique, voire économique, puisque la seconde a pris le pas sur la première, à l'heure où le citoyen réfléchit davantage en termes de confort que de droits. La démonstration est accablante, qui finit avec le fiasco sans nom de l'ennemi juré de la Finance, que son parjure n'empêche pas de ressortir du bois pour jouer les éminences pensantes, mais cache-toi don' ! Mais bon, ils ressortent toujours tous du bois, avec des casseroles aux fesses bruyantes comme un convoi de mariage, rien ne les gêne, rien ne les arrête, rien n'est assez flagrant pour nous détourner d'eux tous... Ils auraient tort de se priver, et c'est pour ça que des documentaires de ce genre, synthétiques autant qu'analytiques, sont indispensables, même si on peut gager qu'ils ne changeront pas grand-chose aux mouvements aveugles des masses, qui sortent défiler de joie à chaque élection, en sachant d'expérience que trois mois plus tard elles étoufferont d'amertume face aux trahisons et renoncements de leurs champions. N'empêche, c'était intéressant de revenir sur les années Mitterrand, Jospin, Cresson, et même Hollande, qui font remonter des souvenirs personnels mélangés aux soubresauts politiques de notre pays. Et puis ça fait chaud au cœur de réaliser qu'on connaît toutes les têtes et tous les noms des acteurs de ces époques (Yves Mourousi, Marie-Laure Aubry...) au cours desquels on se sentait moins largué qu'aujourd'hui, où la profusion des chaînes et des sites laisse toujours un peu l'impression qu'on n'y connaît plus rien du tout. Bref, un petit pèlerinage nostalgique et amer sur les terres d'une gauche disparue parce que droitisée.