Irène Jacob a trouvé là non pas le mais les deux rôles de sa vie !
Elle est d'abord Wéronica, jeune Polonaise éprise de chant. Puis, à la mort de celle-ci, Véronique, jeune Française prof de chant. Se multiplient les similitudes inouïes voulues par le réalisateur entre ses deux héroïnes : souffle au coeur ; examens cardiologiques ; aléas amoureux. Et, sans se connaître : même âge ; même visage ; même voix à part ; mêmes liens avec un père solitaire ; même spleen face à la vie !
Etonnant, non ? Comme disait Desproges.
Jeu. On prend un titre de Granier-Defferre, "Une étrange affaire". On en reprend un chez Chabrol, "Une affaire de femmes". On les contracte. Cela donne "Une étrange affaire de femmes", qui situe bien le thème troublant de ce film. Il s'agit bien sûr de la gémellité. Mais l'approche de Kieslowski est très originale car hors du cas classique, par procréation. Comment doit-on considérer Wéronica et Véronique ? Disons deux psycho-jumelles, chacune avec une perception floue de l'autre. "J'ai l'impression de ne pas être seule", s'étonne la Polonaise. Et après sa mort, la Française commente sa tristesse soudaine ainsi : "C'est comme si je perdais un être proche".
Alors... Peut-on avoir, chacun, un double quelque part dans le monde, dont on ne connaîtra peut-être jamais l'existence ? Peut-on, au contraire, la pressentir et "communiquer" par télépathie ou par tous ces phénomènes paranormaux qui vont jusqu'à intriguer des scientifiques ? Quelle est exactement la part de destin dans une vie d'homme, de femme ? Plus encore que Véronique, recevant des ondes mystérieuses, le spectateur se retrouve avec plein d'interrogations dont il doit chercher les réponses en lui-même. Pas dans la mise en scène très codée, où le suspense devient assez hermétique et la sobriété synonyme d'austérité. Le public ciné-club aime intellectualiser là-dessus. Les autres peuvent décrocher...
Mais il y a aussi une musique en variations prenantes et de splendides mouvements de caméra pour rendre mémorable "La double vie de Véronique". Et Irène Jacob mérite sa consécration d'actrice plutôt deux fois qu'une !