C'est la Libération et ces moments, si bien décrits dans ce vieux film à sketches Retour à la vie, ceux de l'attente de retrouver qui un mari, qui une femme, qui un frère, qui des enfants ... Une femme attend. Et c'est Marguerite Duras, comme elle l'a raconté dans La douleur. Ses mots sont l'inspiration du film et, pour une fois au cinéma, une voix off dit et ne se contente pas de commenter ou de faire redondance avec les images. Emmanuel Finkiel se sert de sa mise en scène pour aller plus loin, privilégiant le flou de ce qui entoure Marguerite ou tout du moins ce qu'elle en perçoit, et la dédoublant à l'occasion. Dans ses rapports avec un flic collaborateur et le meilleur ami de son mari absent, la romancière exprime sa douleur, ses doutes et sa colère. Le film, avec pudeur et dignité capte les instants de souffrance mais aussi la confusion de ses pensées contradictoires. Mieux, il élargit le champ et dresse un tableau d'un pays entier en lambeaux et qui veut oublier. Très vite. Et recommencer à vivre (La douleur n'est pas tendre avec cet ambiance amnésique et la politique alors menée par de Gaulle). C'est un film austère, évidemment, et très littéraire (mais aussi émouvant) d'où suinte une grande tristesse mais illuminé, si l'on ose dire, par la formidable interprétation de Mélanie Thierry qui a choisi intelligemment de ne pas imiter Duras mais de l'incarner dans ses tourments et ses questionnements. La meilleure adaptation de Duras ? Sans l'ombre d'une hésitation, oui !