Au coeur du mensonge

Sujet on ne peut plus d'actualité, les « fake news » ou infox sont au cœur de ce documentaire, montrant à quel point celles-ci sont désormais inhérentes à certains pouvoirs politiques, n'hésitant pas à s'en servir allègrement pour servir « leur » vérité, quitte à les utiliser on ne peut plus odieusement. Arnaud Lievin se focalise sur deux événements emblématiques : l'influence grandissante du mouvement complotiste Qanon aux États-Unis et comment Jair Bolsonaro, homme politique de seconde zone au Brésil, a su, à travers une hallucinante campagne de désinformation, creuser son sillon pour atteindre la plus haute fonction dans son pays.

Deux enquêtes fournies, intelligentes, pouvant compter sur des intervenants hautement informés, toujours justes, précis dans leur analyse et leur description du « comment a t-on pu en arriver là ? ». Relativement sobre, le commentaire de Karim Rissouli accompagne assez bien le montage et l'intelligence de la construction, toujours claire pour restituer au mieux les différentes étapes ayant amené à de telles extrémités, avec des conséquences parfois très graves. On se serait, en revanche, bien passé de certains effets de mise en scène particulièrement racoleurs, notamment cette bande-son TRÈS appuyée à coups de grands bruits sourds se voulant inquiétants, se faisant toutefois plus discrète au fil des minutes.

On aurait aussi apprécié une vision plus globale sur le sujet, mais ce parti pris peut aussi se défendre tant il est représentatif et surtout le témoignage de ce qu'il peut avoir de plus influent, y compris dans les plus hautes sphères des pays les plus puissants au monde. Bref, à l'exception de ces quelques excès formels, la satisfaction manifeste d'en savoir (nettement) plus est réel, aussi triste soit la réalité, encore plus la confirmation de la bêtise et de l'ignorance de millions de personnes incapables de penser par elles-mêmes. Et ça, ce n'est clairement pas une infox...

Épisode Donald Trump - Lila Rose (6/10) :

Nouvel épisode de cette série documentaire légèrement inégale mais toujours de bonne facture, s'attaquant cette fois à la propagande de Donald Trump pour faire éclater « sa » vérité, ayant amené aux très graves événements du Capitole le 6 janvier 2021. La deuxième partie est consacrée à Lila-Rose, militante anti-avortement pas non plus aveuglée par la morale lorsqu'il s'agit de défendre sa cause. Le parallèle entre les deux personnalités est à la fois évident et un peu discutable, les agissements d'un Président des États-Unis étant autrement plus grave que celui d'une activiste, aussi importante soit-elle. Comme toujours, pas de contradicteurs ou de personnes pour nuancer ne serait-ce qu'un peu cette attaque en règle contre Trump et Rose, laissant entrevoir un parti idéologique assez évident (et qu'importe que ce soit le même que le mien).

Maintenant, c'est efficace, bien mené. Hormis les réserves précédentes, la démonstration est claire, limpide, montrant à quel point la fin justifie les moyens pour faire avancer sa cause, qu'importe la morale. Et d'autant plus inquiétante que ces aberrations semblent trouver un écho de plus en plus important dans un monde en crise, perdant jour après jour certaines de ses valeurs les plus évidentes. Comment a t-on pu en arriver là ? Les réseaux sociaux, bien sûr, mais pas seulement, ce serait trop simple. Sans être totalement irréprochable, ce nouveau volet reste hautement fréquentable.

Épisode « Terroristes en réseaux » (7/10) :

Consacré cette fois à l'assassinat de Samuel Paty et au meurtre de masse à Christchurch, « Terroristes en réseaux » est peut-être l' « épisode » le plus abouti de la saga documentaire. Reprenant exactement le même concept, je l'ai trouvé plus précis, plus clair, plus percutant... et tout simplement plus émouvant au vu du sujet auquel il s'attaque, avec nombreuses victimes à la clé.

De plus, si j'avais quelques réserves concernant l'absence totale de contradicteurs concernant Donald Trump et Lila Rose, difficile de tenir ici le même discours tant il est inconcevable de défendre pareille monstruosité.

On peut toujours discuter de l'égalité de traitement entre les deux sujets tant les attaques terroristes sont infiniment plus l'apanage d'intégristes musulmans que de suprémacistes, mais justifié par le format 50/50 de l'émission. Une plongée aussi éclairante que terrifiante dans l'horreur de l'extrémisme et des réseaux sociaux.

Épisode « Affaire Mia : ces citoyens qui font sécession » (7/10) :

Nouvel épisode de la série documentaire, s'intéressant cette fois à l'enlèvement de la jeune Mia par sa mère après que cette dernière ait perdu pied dans l'immense nébuleuse mensongère des réseaux sociaux. Même remarque que concernant les attentats terroristes dans le précédent volet : nul besoin de contrepoint ici étant l'aspect totalement indéfendable des faits et de la vision hautement dangereuse, toxique des personnes mises en cause.

Pour moi qui ne connaissais vraiment pas grand-chose à l'affaire, c'est clair, instructif, bien construit, solidement conçu et informé, avec des interventions apportant un réel éclairage par de vrais professionnels concernant leur sujet : ça change de Maurice le boulanger venu donner son avis sur la mort de Jean-Luc Godard. Pertinent et nécessaire, surdramatisant comme toujours un peu, « La Fabrique du mensonge » s'impose à nouveau comme un programme de qualité, salutaire contre les dangers de la désinformation à l'ère du numérique.