Ursidés en grâce

Livre phare de mon enfance, La fameuse invasion des Ours en Sicile de Dino Buzatti m’avait profondément marquée. C’est dire si j’attendais son adaptation au cinéma lorsqu’elle a été annoncé. Le résultat me paraît moins sombre et moins complexe que dans mon souvenir, mais il faudrait que je relise le livre avec mes yeux d’adulte pour savoir si c’est juste l’effet de l’âge ou celui de l’adaptation. L’intrigue, bien qu’écrite il y a plus de 50 ans, reste encore très actuelle. On y a parle du rapport de homme et de la nature, de politique, d’écologie, de mélange des populations, d’immigration et d’intégration.

La version cinématographique que nos livre Lorenzo Mattotti est une d’une grande douceur et très poétique. Je regrette la coupure en deux parties, car les deux ne présentes par la même profondeur. Celle du conteur est plus simple et optimiste que la seconde, et s’adresse presque trop à un jeune public. Je l’ai trouvé par moment trop infantile. La seconde partie contée par l’ours vient renverser ce principe avec des personnages plus complexes et une vision plus désabusée. On a donc un peu l’impression de voir deux films différents.

J’ai eu une légère déception sur la fluidité de l’animation, comme la danse des ours qui manque un peu de grâce. Comparé à ce qu’on peut faire sur d’autres films, La fameuse invasion des ours en Sicile manque un peu de finesse sur ce point-là. Mais cela est contrebalancé par le choix des graphismes. Les décors, en particulier les montagnes en pics escarpés et leur vallons encaissés, sont magnifiques. Le jardin secret de nuit, avec ses fleurs éclosant sur une pluie de saumons lumineux est également très féérique. J’ai également beaucoup apprécié le choix des textures, plus picturales que réalistes. Ce choix renforce la dimension du conte, et favorise bien sûr les mélange des espèces, avec ses ours somme toute très humains. Les scènes regorgent également de petits détails, un mouvement d’oreille d’ours, des personnages qui bougent en arrière-plan…

Lorenzo Mattotti signe un film un peu inégal mais qui a le mérite de pouvoir s’adresser aux plus jeunes comme aux adultes, qui préféreront sans nulle doute la seconde partie. C’est également un plaisir de voir un style d’animation un peu différent des mastodontes actuels, et qui joue sur un registre plus onirique.