Un premier film sans fautes.
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le 6 mars 2014
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À la suite des différents Kechiche que j’ai déjà regardé, j’ai décidé de m’interroger sur son tout premier. Prix Luigi De Laurentiis à la Mostra, comme un symbole d’une œuvre cinématographique entretenue par Kechiche déjà abouti. J’ai la sensation de devoir revenir sur cette information par plusieurs objections que j’ai à apporter concernant ce film.
Dans un premier temps, Kechiche veut rentrer dans ce monde cinématographique en imposant un style et des thématiques qui auront une récurrence dans son œuvre. Ici Kechiche va donc directement faire entrer le plus gros, le plus explicite concernant la France et le multiculturalisme dont elle est empreinte. Alors le sujet de l’immigration se pose sur la table, de quoi en parler avec le plus de facilité. En effet, on sent l’envie d’esquisser ses thèmes par toutes sortes de moyens. Alors le propos se retrouve schématisé dans le sens où l’on veut faire ressentir à tout prix au spectateur qu’il s’agit bien d‘une frange de la population que Kechiche désire et qui sera proéminente dans sa filmographie. En résulte des scènes qui frôle ou touche le didactisme, comme pour expliquer les enjeux de ce qui sera les clés du cinéma de Kechiche. Les séquences longues qui démontrent des moments de la vie quotidienne pour en faire déboucher grâce à l’observation du spectateur la démonstration de traditions et finalement d’un petit microcosme français comme dans la graine et le mulet sont mise plutôt au second plan. Il est souvent dit les choses sur la condition d’un immigrés sur comment s’en sortir, le chômage en France à l’époque, le raï…Il est préféré que toutes ces choses soient dites et expliquées de manière assez soporifique plutôt que dissimulées dans un plan comme cela est fait dans les films succédants La faute à voltaire.
Mais ce didactisme s’explique aussi par un autre aspect qui est dépendant de la thématique voulu. À travers ce récit est souhaité être livré un récit d’initiation, c’est a dit une fiction d’apprentissage des rouages du fonctionnement du mode de vie de clandestin. C’est donc pour cela que les choses doivent être expliquées, car il est nécessaire au protagoniste qu’elles le soient. Dans ce rôle Sami Bouajila qui incarne véritablement un Candide. Simplet, Naïf, en plein cursus de compréhension de ce qu’il entoure. Cette manière d’être simple le conduit à poser toutes sortes de question et ces questions sont bien évidemment la meilleur manière de conduire à l’instruction. Cette instruction bien que impérative pour Djallel, elle ne l’est pas pour le spectateur qui lui pourrait interpréter ce à quoi ce dernier est obliger de faire pour survivre, sans qu’on ne soit obliger de lui dire en passant par X personnage. L’exemple qui me vient en tête serait les premières personnes qu’il retrouve dans le centre de réfugié ou bien le personnage de Nassera qui le guide pour réussir à rester en France sur le début du film. Le personnage de Djallel a tout même du bon dans sa part candide car elle affirme un ton sympathique qui prédomine le récit. Ce ton permet de ne pas tomber dans le mélo tout en gardant la complexité de l’irrégularité de sa situation. Notre protagoniste ne devient pas pour autant imbuvable par sa crédulité. On y voit une manière d’apprendre, un cursus dans lequel il souhaite s’ancrer, un cursus qui nous fait devenir français tout en restant dans l’incapacité partiel de l’être à cause des origines et du milieu social qui met une barrière avec la nation dans laquelle il à immigré.
Djallel est aussi nuancé dans la 2nde partie du film grâce l’apparition du personnage de Elodie Bouchez. Cette dernière avait à mes yeux un caractère plutôt irrespectueux dans son interprétation lorsqu’elle s’adonnait à imiter une personne dans une situation de folie. En général le film me paraissait plutôt immoral lorsqu’il souhaitait créer une facette humoristique des différents personnages jouant des internés. Surtout lorsque l’on voit plutôt clairement que ce sont des acteurs. Mise à part cela, le jeu de Elodie Bouchez se dissipe et devient hétérogène a l’enjeu naturaliste dont le film tente d’illustrer. De cela, naît une ambiguïté complexe chez ce personnage chez le son personnage et sa relation avec Djallel. Cela donne un effet de fardeau agréable. La situation entre ces deux protagonistes est complexe et de là découle une sorte de jouissance. Du moins Kechiche crée une situation plus que troublante qu’il ponctue par des scènes d’une longueur souvent affligeante, qui procure du malaise ou parfois de l’amour assez naturel finalement. Lorsque quémande Lucie du sex à Djallel qui n’aurait pas été dans une situation de questionnement. De là se décerne une œuvre intelligente qui fait perdre repère au spectateur, comment aurait-on appréhendé le cas d’une relation telle, qui aurait supporter cela ou qui aurait résisté. Enfin bref je trouve que l’on est devant une relation très réussie qui fait du bien aux deux protagonistes tant sur le jeu ou sur le rôle qui leur ai attribué.
Finalement, Kechiche conclut son film à travers la concrétisation d’un microcosme constitué de différents marginaux. Ces scènes de fin illustrent bien la façon dont une classe sociale (dans ce cas ci on ne peut pas vraiment affirmer que c’est une classe mais bon) peut aussi renverser le principe de faire nation. Cela se renforce par la fin abrupte qui signifie que finalement il n’y pas d’acceptation sur ce territoire.
Ainsi, s’achève cette premier œuvre qui est finalement bien identifiable comme sa première. Les acteurs sont un des premiers indices de cela. Kechiche et plus confus dans leurs directions certaines en font trop et bien sûr le jeu naturaliste qu’il y’aura dans ses suivants sera bien plus affiné. D’autant plus que c’est le commencement d’une utilisation de certains personnages secondaires qui seront réutilisés dans ses prochains films (Bruno Lochet, Carole Franck…). Alors leurs têtes se sont assimilées chez moi et j’identifie qu’il s’agit d’un acteur lors des différents films.
Tout cela affiche un premier film qui malgré tout, témoigne de l’avènement d’un cador du cinéma français (et mondial) du 21ème siècle.
Créée
le 18 janv. 2025
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