Caprice ou le cinéma de la non-contrainte ou le cinéma sitcom

Emmanuel Mouret, cinéaste que j’ai découvert cette année et qui représente à mes yeux un grand morceau à décortiquer. Son cinéma à tellement de caractéristiques que je trouve très intéressant d’en parler. L’apprécier, c’est une autre question, car oui Mouret n’est pas un cinéaste que je porte dans mon cœur pour tout un tas de raisons diverses, que je vais donc détailler ici. 


Je n’apprends rien à personne (et surtout pas à Bégaudeau) si j’affirme que le cinéma de Mouret est la quintessence du cinéma bourgeois. Je n’ai pas forcément de détestation quand les metteurs en scènes se colle à l’imagerie bourgeoise, mais ici Mouret en est tellement l’incarnation que sa condition vient se fixer au diapason de tout un tas de critères visant à faire un film. Je vais les détailler.


Dans un premier temps, le signe de ce que je tente d’exposer se crée avec l’abrogation de toutes contraintes matérielles ou significatives. En effet, le cinéma de Mouret est tellement lisse qu’il s’extirpe de toutes complications que la vie offre pourtant à quiconque. De cela, s’extirpe une certaine idée du réel au cinéma. On y retrouve un cinéma qui ne correspond pas à notre réalité et qui donc ne permet pas une jouissance qui serait dû à une retranscription fidèle de moment de vie que chacun aurait eu ou du moins pourrait avoir. Je met ça sur le compte d’un confort de vie qui soustrait plusieurs négativités du réel, et qui donc justifierait qu’on puisse en omettre certaines dans l’œuvre. Je pense au fait que la vie possède des natures qui nous offrent des contraintes, qui rythment nos vies et qui donnent l’impression, lorsqu’elles sont dévoilées au sein d’une œuvre que la tache accomplie est de plus belle car elles nous ont été evoqué avec une forte complexité. Par exemple Clément se met en couple sans complication avec un personnage qui nous est présenté comme une star dans cette œuvre, du moins ce n’est pas qui veut qui la considère comme sa femme. Le chemin pour réussir a avoir une relation amoureuse stable avec cette dernière devrait avoir plus de complications et être plus harassant. Cela aurait pu être justifié par une contrainte de temps ; faire durer ou exprimer la répétitivité sur les scènes, mais il n’en est rien puisque ce passage est ellipsé et donc on se rend pas compte de comment la relation s’est tissée. C’est de même avec le passage dans lequel le personnage de Mouret se casse une jambe, ici on décide de ne pas se rendre compte matériellement des plusieurs semaines de douleur et de la complexité qu’est de vivre avec une jambe dans le plâtre. J’avais eu ce même sentiment avec La Graine et le mulet dans ce qui constituait pour moi le gros point noir du film, lorsque toute la rénovation et aménagement du bateau avait été enlevé alors que ça aurait pu être un élément qui aurait servi le récit. Kechiche à par ailleurs bien retravaillé cet aspect de ses films, dans exemplairement, Mektoub canto Uno qui n’est qu’une longue suite d’attente d’une aventure amoureuse qui se fait attendre encore et encore. Ici nous est très bien montré que personne n’a qui veut et que la vie à des normes sociales nous obligeant a nous restreindre en amour.


 Cela me permet d’enchaîner avec dans un second temps, la manipulation du récit par Mouret. Cette manipulation offre une main mise totale sur le récit et la mise en scène ne laissant pas la place au réel dans la narration. J’exprime cela dans le sens que l’on est quasiment dans un film qui prend des formes théâtrales. Dans le sens que tout est sous contrôle même les événements inopinés ou les aléas du naturel chez les acteurs. Chacun à une diction et des dialogues bien millimétrés, le tout dans une plan fixe bien millimétré. On se rapproche un peu du format de sitcom, chaque plan et décors sont un cadre où la scène se déroule mais ne peuvent pas s’élargir. On ne sent pas qu’il y a tout un monde autour. Cette facette de sitcom interagit aussi avec le paragraphe précédent, puisque dans la sitcom les forces temporelles ou spatiales sont souvent ellipsées. En somme cela va a contrario du cinéma qui a pour but d’interagir le plus avec du réel, comme par exemple en laissant une certaine marche de naturel chez eux dans les scènes. Enfin bref, tout cela pour dire que Mouret contrôle son film sur chaque aspect jusqu’aux sentiments de ces personnages. On a quasi l’impression que si un personnages féminins et masculins se retrouvent dans un même endroit seuls cela finira forcément par un baiser. L’œuvre devient plutôt prévisible et l’erreur que fait l’œuvre dans ce film est d’extraire l’humour des situations car à l’instar d’Un baiser s’il vous plaît ? Le film s’affirme dans une posture très sérieuse, trop sérieuse, qui m’ennuie franchement. Dès lors qu’il n’y a plus d’humour je me retrouve en face à face avec un récit plat où je connais évidemment ce qui va se produire pour les personnages. Tout cela saupoudré par un certain didactisme dans les séquences car comme je l’ai dis les dialogues sont toujours millimétrés et les personnages n’ont pas de naturel à injecter dans les dialogues par conséquent. Surtout que le film à tendance à se larmoyer sur son sort, tandis que nous nous avons soustrait toutes formes de contraintes auparavant. Ce qui à tendance à m’agacer légèrement. Cela me permet justement d’aborder cet abandon des contraintes sociales. 


C’est un peu comme pour le premier paragraphe, on déresponsabilise la vie en un sens, car on omet sans jamais l’évoquer tout un tas de problématique dans la vie de tous les jours qui sont cette fois non naturels mais sociales, du moins imposés par la société. C’est-à-dire que l’on décide de masquer le social. Cet ambition est pour moi un des éléments les plus bourgeois du cinéma de Mouret. Les gens vivent dans les plus belles appartements de Paris, et on ne justifie ou n’aborde jamais pourquoi ou comment. Surtout que cela mérite justification, en tant que prof d’élémentaire, cela n’est pas aussi confortable dans la réalité j’en suis certain. C’est là que le film ne veut pas pas de contraintes sociales pour ne laisser que le coté amoureux de la chose. Malheureusement c’est une erreur car comme je l’ai dis c’est la complexité du quotidien à la fois de sa nature et aussi de ses enjeux sociétaux qui nous permet de mieux savourer les moments amoureux. On soustrait donc un tas de choses pas agréable de la vie comme le divorce (surtout que dans le film c’est pour partir avec son meilleur ami), le travail (où aucune pression n’est lié au travail) ou même avec une gravité plus moindre les devoirs. Tous ces éléments pourrait pourtant apporter différentes touches d’émotion différentes, pouvant aller de la joie à la tristesse. Les gens sont méchants puis s’arrête, rien ne se complexifie réellement, rien ne devient ambiguë chez ses personnes. Je pense à l’exemple typique de Caprice qui à chaque fois qu’elle peut causer du tord d’une manière plus conséquente tout s’arrête. C’est simplement que certaines personnes sont réellement alimenter pas de la méchanceté mais jamais chez Mouret, même celle à qui le rôle est justement de faire ça. Je veux dire elle lui arrange la mise avec sa femme, en même temps elle est prête à tout pour être sa maîtresse, mais elle se ravise parce qu’elle veut pas lui causer une rupture pour finalement tenter de se suicider pour lui, mais comme on est chez les bisounours avec Mouret elle s’en sort indemne et on expulse ce passage rapidement. C’est à peu près tout. 


Pour conclure, je trouve simplement que le cinéma de Mouret me contente à peu près lorsqu’il est sur un ton humoristique mais rien d’autre à cause de sa négligence à l’égard des impérativités de la vie qu’elles soit naturelles ou sociales. Lorsque ce dernier extirpe la donnée de l’humour alors le film devient souvent insupportable à mes yeux. Heureusement qu’elle subsiste tout de même, sinon cela aurait été le pompon.

PachaPitou
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il y a 2 jours

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