Lanthimos change un petit peu de registre avec La Favorite, en appuyant son propos sur le très réel et pourtant méconnu et malheureux règne d’Anne de Grande Bretagne. On y retrouve l'affection pour les métaphore et paraboles du réalisateur, qui déploie une critique grinçante de la société moderne. Et moderne, La Favorite l’est par bien des aspects, peut-être même trop. Si le film d’une part garde une certaine rigueur dans les décors et les costumes, les attitudes et dialogues en particulier des personnages sont bien de notre époque décalés et crûs à outrance. La cour anglaise du 16ème siècle offre un cela un parfait écrin de débauche et de vulgarité, miroir de nos travers actuels : manipulation, humiliation, individualisme, obscénité. Pour soutenir le tout, une très belle photographie, aussi dure et froide que ses personnages, et une composition très picturale de chaque scène, lui conférant la rigidité d’un tableau.
Le trio d’actrices est l’élément le plus intéressant du film, surtout pour Olivia Coleman qui interprète brillamment le rôle le plus approfondi du film, celui de la Reine Anne : un personnage immensément triste, dont le corps décadent est à l’image de son âme, torturée, capricieuse. L'actrice arrive parfaitement à incarner toute la palette d'émotions de ce personnage lunatique. Nulle doute que ce film, quoi qu’on en pense au global, sera une très belle reconnaissance internationale pour cette actrice, déjà connue du public anglais (ou de ceux qui aurait aimé Hot Fuzz ou Broadchurch).
Les deux autres actrices ne sont pas en reste, mais leurs rôles sont clairement moins riches, et sans faire de faux pas, elles ne nous impressionnent pas non plus.
Mais malgré de belles idées et un propos originel fort, la Favorite reste un film décevant. Un certain nombre de transgression ou d’attitudes se révèlent souvent gratuites, et le réalisateur s’autocite à de nombreuses reprises, comme la très évidente course de homards. Mais surtout, l’intrigue n’avance pas. Contrairement à The Lobster, ou même à La Mise à mort du cerf sacré, jamais La Favorite ne nous surprend, ne nous choque. Le film est trop classique et rigide et finit par lasser, son rythme monotone devenant engourdissant.