La Fée Clochette est littéralement un... conte de fées, mais un conte de fées social à l'américaine. C'est l'histoire d'une ouvrière désireuse d'échapper à sa classe sociale dans un système d'autoreproduction des classes, afin d'avoir accès aux privilèges dont elle est privée à cause, semble-t-il, d'un tabou social d'ordre aristocratique.
Cette origin story comporte une large part d'exposition qui commence avec rien de moins que la naissance de Clochette. Ce parti pris permet aux auteurs une assez large latitude pour construire leur monde, avoir des idées plus ou moins bonnes, et développer un personnage qui est encore loin de ce qu'il sera quelques années plus tard. Clochette, dont c'est le premier jour d'existence, découvre l'univers avec la même innocence non feinte qu'une fillette de 6 ans le jour de la rentrée scolaire au CP.
Cette découverte laisse place à l'intrigue proprement dite menée avec de grandes facilités d'écriture (les moindres échecs sont toujours des désastres absolus) et des personnages qui ne s'écartent guère du cliché sur pattes, en particulier Vidia, dont l'absence de toute nuance de la première à la dernière seconde est consternante. La production, désireuse de mettre en avant ses chers jouets à vendre, insiste sur la communauté féminine des fées, mais le côté "meilleurs copines" est traité assez discrètement dans ce premier film.
Le film n'oublie pas d'introduire des personnages masculins, qui semblent représenter la manière dont les filles aimeraient voir les garçons : amicaux, drôles, serviables et un peu bêtes.
Le film fait de gros efforts pour paraître poétique et se montrer digne de la stature écrasante - du point de vue d'un professionnel de l'animation des années 2000 - de Peter Pan, bien qu'il ait trop de mal à s'extirper de la niaiserie grandiloquente caractéristique du style Disney. Il recèle quand même quelques jolies scènes, telle que la réparation de la boîte à musique. Il est difficile de faire coexister un style, notamment des décors, qui relèvent de la tradition romantique XIXe à laquelle appartient encore Peter Pan, et des personnages parfois (surtout les animaux) sortis tout droit de Pixar et d'une tradition plus cartoonesque.
La résolution de l'histoire se fera dans un grand mouvement de révérence aux valeurs traditionnelles de la compagnie Disney : compromis sur l'ordre social, apologie du capitalisme de pionniers et du fordisme heureux, tel qu'il fut démontré dans le court-métrage Santa's Workshop, en 1932.
Dans l'ensemble, le film est court et pas désagréable à suivre pour qui aime le style. Son statut de série secondaire le sert en l'empêchant de paraître trop prétentieux pour son propre bien. On relèvera enfin la présence au casting de quelques noms prestigieux comme Lucy Liu et Anjelica Huston.