La Féline est le cinquième film américain de Tourneur et son premier film fantastique, il précède donc Vaudou et l’Homme-léopard. Après ce dernier, il touchera à tous les genres. Il est à noter que la Féline a connu un remake dans les années 1980, mais on en reparlera plus tard.
Irena Dubrovna est une créatrice de mode serbe installée à New York. Alors qu’elle dessine les fauves du zoo, elle rencontre Oliver avec qui elle va se marier. Seulement voilà, Irena est persuadée d’être la descendante de dangereux hérétiques et qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Au moindre baiser, elle deviendrait un fauve sanguinaire.
Le bis des années 1940 avait quand même de la gueule et de l’ingéniosité à revendre. Le petit budget attribué par la RKO pour la production du film a donné un certain nombre de contraintes. Ainsi, les décors sont de la seconde main et les acteurs ne sont pas de premier ordre. La beauté sera donc ailleurs. Le récit est caractéristique de l’intrigue fantastique avec un basculement très progressif dans l’étrange et le surnaturel et un doute entretenu quant à la réalité des évènements. C’est par tout plein d’indices que le spectateur va percevoir le danger ou l’étrangeté de la situation et du personnage d’Irena. On notera d’ailleurs que le personnage est assez désagréable et peu attirant et c’est un problème si l’on se réfère aux caractéristiques attribuées généralement aux chats. Il y a bien une suggestion de la sensualité, sage et d’époque, mais elle aurait pu être mise davantage en exergue. D’un point de vue symbolique, on pourra voir dans cette femme hantée le désir enfoui et réprimé par la tradition et l’héritage. Elle donne en effet le sentiment de porter sur ses épaules le poids d’une culpabilité héritée des générations antérieures. Pour autant, sa libération quelque peu forcée ne lui apportera rien de bon. Moralité, ni chaste, ni frivole, la femme idéale devra satisfaire son mari mais rester dans les bonnes mœurs. C’est d’époque. D’ailleurs, puisqu’on en parle, les yeux de 2024 seront sûrement attristés par le sort réservé aux animaux dans ce film et cela témoigne de tous les progrès faits en la matière depuis. En vrai, c’est la mise en scène qui constitue le point fort du film. L’éclairage est parfait, tout en ombres et en lumières, cachant les recoins de l’écran, laissant imaginer le pire planqué sous la table. Les portraits sont de toute beauté et certains plans sont à tomber (la scène éclairée par les tables par exemple ou la piscine). On remarquera le tout premier jump-scare de l’histoire du cinéma, un procédé inventé pour l’occasion par Tourneur et Mark Robson, monteur du film). C’est quoi ? Mais si, vous savez, lors d’une scène de tension, un gros bruit surprend, fait peur et dans le même temps fait retomber le soufflé (typiquement, c’est le chat qui sort avec fracas d’une poubelle dans une ruelle sombre). Ici, c’est l’irruption d’un bus dans le cadre et c’est proprement magique.
Conclusion ? Si l’interprétation n’est, à mon sens, pas à la hauteur, le reste est un cas d’école. La photo, le son, la mise en scène des moments de suspens, le montage font de la Féline un petit film fantastique tout à fait conseillé.
>>> La scène qu’on retiendra ? La piscine, le travail sur la lumière et les ombres de la bête, les hurlements, la sensualité du lieu.