Ultime film noir de l'un de ses représentants les plus éminents - l'allemand Robert Siodmak, "The File on Thelma Jordon" ne manque pas de qualités ni d'intérêts, mais se rate au niveau de l'intrigue policière, aussi alambiquée qu'invraisemblable.
Dès la longue séquence d'ouverture, durant laquelle le personnage principal, pourtant adjoint du procureur, se biture consciencieusement avec l'assentiment de son supérieur, on relève diverses audaces thématiques pour un film hollywoodien des années 40 : critique des valeurs familiales et patriarcales à travers ce héros en situation d'échec conjugal, adultère évoqué très librement, alcoolisme assumé, pour finir avec cette femme légère qui embrasse un inconnu le premier soir... On a connu le Code Hays plus sourcilleux!
Ainsi, la relation qui va unir Wendell Corey et Barbara Stanwyck sera constamment placée sous le signe de l'ambiguïté, du mensonge, de la passion coupable (la comédienne surfant sur son image de femme fatale depuis "Double Indemnity"). Cet aspect constitue l'un des atouts majeurs du film, même si pour ma part je n'ai jamais ressenti pour Stanwyck la fascination que l'actrice semble exercer sur ses nombreux admirateurs. De plus, j'ai eu le malheur de voir le film en VF, ce qui ne rend évidemment pas justice au travail des comédiens.
En revanche, le travail de Siodmak en terme de mise en scène ne m'a pas échappé, à l'image de cette scène formidable précédant le verdict du procès, durant laquelle on assite au parcours triomphal de l'accusée depuis sa prison jusqu'au tribunal.
Dommage que le scénario ne soit pas vraiment à la hauteur, avec un récit parfois bancal qui n'exploite pas assez sa situation la plus intéressante et machiavélique (celle qui voit nos deux amants devenus adversaires lors du procès - je n'en dis pas plus!), Siodmak étant contraint de s'égarer dans des justifications tarabiscotées (les empreintes sur la scène de crime, le coup de fil de Monsieur X...) pour faire "tenir" un ensemble boiteux.
Si l'on oublie ces détails contrariants, on passera néanmoins un bon moment devant ce film noir rythmé et efficace, à l'atmosphère californienne très agréable, posant un regard moderne et sans concession sur la société américaine.