Révélé à la Berlinale, « Le Mariage de Tuya » a permis à son réalisateur de nous amener dans les steppes d’une Mongolie rurale et silencieuse, malgré les drames qui y prennent place. Aujourd’hui, Quanan Wang revient sur ces terres désertiques et nous promène de nouveau, cette fois-ci dans une démarche encore plus contemplative. Impossible de l’éviter, le visionnage résonne comme une méditation spirituelle sur le cycle de la vie et un rapport permanent qui oppose la terre et le ciel. L’environnement s’exprime de lui-même, mais sans être habité d’une énergie. On ressent tout simplement de la vie, là où l’extinction nous rapproche de notre destinée, scindant alors le corps et l’esprit.
Ce ne sera pas à la portée de tous, ce ne sera pas au goût de chacun, car Wang s’est investi dans une fausse croisade policière et même humoristique. A tort ou à raison, la réponse est ailleurs. Il mise avant tout sur la composition de son cadre et de l’aspect sensoriel qui en découle, dès lors qu’il place des personnages qui batifolent sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. Ceux-ci vivent l’instant et c’est justement à travers des banalités que la réflexion se met en marche, incitant ainsi le spectateur à prendre du recul sur les thématiques de la cohabitation et de l’instinct animal. Au plus proche de la nature, de la terre et des cieux qui ornent tous les horizons, le réalisateur chinois prend également le temps de brosser son personnage féminin, fort, indépendant et symbolique. Il y a donc besoin de cette bergère (Dulamjav Enkhtaivan), besoin qu’on lui associe l’amour comme une seconde arme et l’œuf pour la postérité.
Le film épouse alors, avec une puissance envoûtante, une poésie tantôt singulière, tantôt grossière et c’est ce qui rend l’étrange plus absurde. Et à force de confronter deux contraintes, des motifs apparaissent. Lorsque le ciel domine la terre dans les plans fixes, la parole est donnée à ce no man’s land qui hurle la solitude, mais qui la vit bien. Le cadavre qui ouvre l’intrigue serait alors la parfaite symbiose entre l’angoisse omniprésente et la beauté d’un corps nu, rendu à la nature, rendu à cette matriarche du désert qui voue quasiment un culte à la réincarnation, malgré elle et malgré les hommes qui l’entourent. Elle témoigne d’ailleurs de l’existence par le biais de la mort et de la naissance, deux étapes-clés qui se répondent et qui se rejettent naturellement.
Et quand bien même l’exercice peu avoir ses limites, Wang pense à renouveler ses plans et donc sa mise en scène afin de mieux exprimer le mariage entre le sucré et le salé, car il ne s’agit ni d’un polar, ni d’une comédie, mais simplement d’une histoire d’amour qui traverse le Âges. « La Femme des steppes, le flic et l'œuf » (Öndög) nous rappelle que nous sommes les « dinosaures » de notre époque, des fossiles en devenir, mais également des figurants pour cette espace indéfiniment grand, oppressant et hostile. Chaque entité aura bien un rôle, mais le décalage entre le fond et la forme chamboule déjà un équilibre rompu, à l’image d’un cadavre qui trouve ironiquement sa place dans ces steppes sauvages et intemporelles.